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Une plus longue analyse serait nécessaire pour faire ressortir les mérites d’un livre qui, malgré ses défauts, contient d’excellentes parties et témoigne à toutes ses pages d’une grande élévation morale. Le style y est plein, riche, abondant, et par son abondance même ne laisse place à aucune obscurité. La pensée est personnelle, sûre d’elle-même, avec un tour dogmatique très-marqué. L’ouvrage enfin est une série de tableaux bien faits dont le défaut le plus grave est d’être placés dans des cadres un peu trop larges.

G. Compayré.

Mac Cosh. The Laws of discursive Thought, being a textbook of formal logic, par James Mac Cosh, president of Princeton College, New-Jersey. — 1 vol. in-8o. New-York.

Ce livre est un excellent manuel de logique formelle, très répandu dans les écoles des États-Unis. Mais il a une portée plus haute, et c’est à ce titre qu’il mérite de fixer notre attention. On sait quelles ont été les conséquences des travaux d’Hamilton en logique[1]. À sa suite une école s’est formée qui a voulu, par une plus complète analyse des opérations de la pensée, briser les cadres de l’antique doctrine d’Aristote. M. Mac Cosh voit un progrès réel dans les travaux d’Hamilton, mais il n’en accepte les résultats que sous bénéfice d’inventaire, et son effort vise non pas à creuser davantage l’abîme entre l’ancienne analytique et la nouvelle, mais à fondre en un seul tout ce que l’une et l’autre contiennent de vérité.

Un vice originel altère à ses yeux toute la nouvelle analytique. « Les défauts et les erreurs de la nouvelle logique dérivent surtout de son origine germanique. Elle est altérée d’un bout à l’autre par la métaphysique de Kant, comme l’Art de penser l’est par la métaphysique de Descartes, et la logique de Mill par l’empirisme de Comte. Elle présuppose et implique toujours qu’il y a dans l’esprit des formes qu’il impose aux objets en les contemplant, et elle fait de la logique une science complètement à priori, qui pourrait être construite à part de toute expérience. » C’est là, d’après notre auteur, une erreur capitale ; non pas qu’il nie l’existence en l’esprit de lois à priori, mais il soutient qu’on ne peut les déterminer sans l’expérience. Il faut donc, à son sens, observer toutes les opérations de l’esprit, en allant des plus simples, la formation des notions, aux plus complexes, les raisonnements, et de cette observation tirer par induction les lois générales de la pensée discursive. Aussi, dans son livre, les lois de la pensée, au lieu d’être énoncées dès l’entrée à titre de principes, ne sont-elles formulées qu’à la fin comme conclusions.

M. Mac Cosh ne s’abuse-t-il pas un peu sur l’originalité et la portée

  1. Voy. nos Logiciens anglais contemporains.