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DE LA PERCEPTION VISUELLE
DE LA DISTANCE

On sait que la théorie de la vision a donné lieu à deux écoles différentes que M. Helmholtz a appelées, l’une école nativistique, l’autre école empiristique : la première tend à expliquer, autant que possible, les phénomènes visuels par l’innéité ; la seconde au contraire à les expliquer par l’expérience et l’habitude. On sait que l’une des questions où cette dernière école a eu jusqu’ici le plus d’avantage, c’est la question de la perception visuelle de la distance. Depuis Berkeley, on est généralement d’accord, dans les écoles de philosophie, pour admettre que la perception visuelle de la distance est une perception acquise, c’est-à-dire, dans la langue des écoles, une perception qui n’appartient pas en propre à la vue elle-même et qui est le résultat de l’association de la vue et du toucher. La vue réduite à elle seule n’apercevrait que des surfaces ; ce sont les diverses nuances de dégradation de lumière qui, associées avec le souvenir de la distance tactile, deviennent les signes de cette distance et finissent par produire l’illusion d’une perception directe de la distance elle-même. Il en est de même du relief des corps, qui n’est autre chose que le rapport des différentes distances de ses parties à notre œil. En un mot, et pour parler rigoureusement, il n’y a pas de troisième dimension pour la vue. Cette opinion, émise théoriquement par Berkeley, vérifiée par la célèbre expérience de Cheselden, a conquis presque tout le xviiie siècle, Voltaire, Condillac, Diderot, Reid ; et la plupart des philosophes classiques jusqu’à nos jours l’ont adoptée et enseignée : elle règne dans toutes les classes de philosophie. On peut la considérer comme la doctrine dominante. Cependant elle n’a jamais été sans quelques protestations. Haller, au xviiie siècle ; Müller, le célèbre physiologiste, au commencement de notre siècle ; de nos jours, Hering en Allemagne, le principal représentant de l’école nativistique ; en France, M. Giraud-Teulon, en Angleterre,