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n’est pas seulement une idée du corps, mais une idée de Dieu, et peut se rendre impérissable en s’unissant à lui.

Les trois derniers chapitres sont intitulés : de l’amour de Dieu pour l’homme, du démon, et de la vraie liberté. Dieu ne saurait aimer les hommes en tant qu’hommes, c’est-à-dire en tant que modes ; mais il ne les abandonne pas pour cela, puisqu’ils sont en lui et ont leur part de l’amour qu’il a pour lui-même. On ne peut dire que Dieu donne des lois aux hommes pour les récompenser ou les punir : il les soumet seulement aux lois naturelles, qui ne sont pas susceptibles d’être transgressées. Les lois humaines seules, n’ayant été établies par les hommes qu’en vue de la béatitude, peuvent être violées. Le but pour lequel elles sont faites peut servir à les faire coopérer avec le tout, car la fin propre de l’homme ne saurait être celle de la nature. Il n’est qu’un instrument entre ses mains.

M. Janet force peut-être un peu la pensée de Spinoza, quand il dit que les lois morales reprennent ici une sorte de valeur absolue, étant une des conditions de l’ordre universel. Autre chose est de faire partie de cet ordre, d’être emporté par le système, autre chose d’en être une condition. La nuance est tout ici. En somme, les expressions finalistes qui se rencontrent à cette page sous la plume de Spinoza ne sont rien de plus que des expressions.

Dans le chapitre suivant, dont Mylius a connu l’existence et qui n’a pas laissé de trace dans l’Éthique, l’hypothèse du diable est repoussée comme inutile et comme impossible. Les. degrés de l’être étant ceux de la perfection, il est clair que le contraire de la perfection n’existe pas.

Les deux dernières propositions de l’Éthique forment le sujet du chapitre 26, qui termine le de Homine. Nous avons parlé de la dernière ; on se rappelle l’autre ; s’il n’était pas vrai que l’âme est éternelle, en faudrait-il moins chercher Dieu pendant cette vie ? Une pareille opinion, quoique beaucoup de théologiens, dit Spinoza, la soutiennent, est aussi absurde que si un poisson disait : s’il n’y a pas pour moi de vie éternelle, je veux sauter hors de l’eau et vivre sur la terre. La comparaison de l’Éthique, on s’en souvient, est plus énergique encore et le ton plus tranchant, s’il est possible.

L’ouvrage se conclut par la théorie de la vraie liberté ; c’est l’état souverainement actif de l’âme, celui où ses actions extérieures sont parfaitement d’accord avec sa nature interne, c’est-à-dire avec celle des autres âmes et avec Dieu. Alors toute passivité et toute servitude disparaissent. Cette théorie du concours des âmes dans la liberté n’est qu’ébauchée ici et se présente comme une conclusion. Dans l’Éthique, elle est fortement travaillée et devient un anneau essentiel de la chaîne.

Nous avons parlé des derniers mots de l’ouvrage, où Spinoza recommande à ses disciples d’être discrets dans la manifestation des idées qu’il leur communique. Il nous reste à conclure avec M. Janet que « si