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chiste doit arriver nécessairement, dans le courant d’une période donnée, en traversant le polythéisme, à l’adoration d’un seul Dieu. Nous admettons en revanche très-volontiers que le développement général favorise l’apparition d’un état religieux plus élevé, sans nous imaginer que chacun doive passer identiquement par le même chemin et sans attacher aux trois échelons que nous venons d’énumérer la valeur de divisions absolues, correspondant à des catégories invariablement déterminées du développement religieux de l’esprit humain.

M. Girard se défend de rechercher l’origine de la religion, qui a été, depuis quelques années, l’objet de travaux remarquables. Il est vrai qu’il entend cette recherche comme précédemment le mot évolution, dans un sens tout à fait spécial, comme consistant « à décider de l’époque précise où un être animé quelconque a songé à formuler une explication des phénomènes de la nature ». De cela, dit-il, « nous nous sommes bien gardé, et nous nous garderons toujours. » Dans l’état de nos connaissances historiques, ce serait en effet une poursuite tout à fait oiseuse ; mais ce sont là plutôt les « commencements » que les « origines de la religion ». Au point de vue philosophique, la recherche des éléments dont la combinaison a pu donner naissance à la religion ne laisse pas au contraire d’offrir un vif intérêt. M. Girard a abandonné à d’autres cette délicate question, bornant son ambition à une exposition exacte et suffisamment complète des principaux phénomènes religieux que lui offre l’histoire de l’humanité. D’autre part, il affirme que la religion est propre à tous les groupes humains sans exception, contrairement à l’opinion souvent soutenue, que des fractions, restreintes ou étendues de l’humanité, sont restées étrangères aux idées que nous appelons religieuses. « Nulle part l’homme, si rudimentaire qu’ait été son état social, n’a manque d’esquisser une interprétation de la nature ; … il n’est pas douteux que les résultats de cette première enquête ne sont autres que des conceptions religieuses, des mythes. » Cette large définition de la religion est de nature à concilier deux opinions, dont la divergence s’appuie, en une grande mesure, sur un malentendu. Les faits actuellement connus ne nous autorisent pas, en effet, à refuser à aucun groupe humain la notion de forces ou d’esprits capables d’exercer une influence sur leur destinée. Dans l’état de nos connaissances géographiques, il n’est guère admissible que des faits nouveaux viennent contredire cette conclusion.

« Nous avons remarqué, dit M. Girard, que les représentants les plus anciens de l’humanité ne font pas de distinction entre les objets inanimés et les êtres vivants, mais que pour eux tout est doué d’une âme, d’une volonté, d’une individualité, qui persistent même au delà de la mort. Tout vit et tout est dieu. C’est la période du fétichisme, et nous en avons résumé les traits en groupant un grand nombre de détails saillants et caractéristiques. » Je ne sais si l’appellation d’animisme n’eût pis été préférable pour toute cette catégorie de phénomènes religieux, fétichisme ayant un sens plus étroit que la définition qu’en