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analyses.girard de rialle. Mythologie comparée.

aller si loin, n’avons-nous, pas nos chênes consacrés, dont la forêt de Saint-Germain nous offre un exemple bien connu ?

Le culte des animaux a pris un développement considérable chez presque tous les peuples. Il est curieux de penser que l’homme, qui les a tantôt tués pour sa nourriture et son plaisir, tantôt domestiqués, ait pu voir en eux si aisément des êtres mystérieux, dont il dût détourner la malignité par la ruse ou des procédés de conjuration. Cela se comprend plus aisément à l’égard d’animaux inconnus et récemment importés. Prescott raconte que les indigènes de l’Amérique, épouvantés par les armes à feu des Espagnols, en attribuèrent l’origine aux chevaux, à ces êtres inconnus et formidables que les conquérants amenaient avec eux. Un de ces animaux, ayant été abandonné dans une retraite, fut l’objet de toute espèce d’hommages empressés. Nulle idée, chez les peuples sauvages, de distinguer la bête de l’homme. Tout être animé est, à cet égard, situé au même degré. Les Peaux-Rouges s’excusent auprès des ours de les mettre à mort. Parfois, pour apaiser son âme irritée, ils mettent le calumet chargé de tabac dans la gueule de l’animal mort. Les Cafres, quand ils chassent l’éléphant, le supplient de ne pas les tuer, de ne pas les écraser ; une fois mort, ils lui fout des excuses, mais prennent soin de lui couper la trompe, s’imaginant lui enlever tout pouvoir de nuire. Quand les Malgaches prennent un baleineau, ils s’en excusent auprès de la mère et la prient de s’éloigner. Mais le procédé le plus curieux est sans doute celui des indigènes de la Sibérie, qui, pour détourner d’eux la vengeance des ours, leurs victimes, expliquent gravement à ceux-ci que les Russes seuls les ont mis à mal : ils s’imaginent que l’âme de l’animal se méprendra ainsi sur les auteurs de sa mort et n’exercera sa vengeance que sur des étrangers.

Cela nous mène à des résultats très-curieux, bien qu’ils dépassent un peu ce qui nous était promis sur le « culte des animaux ». — « Il n’en faut pas douter, dit expressément M. Girard de Rialle, le fétichiste ne tient pas la mort pour la conclusion définitive de l’existence ; il ne conçoit pas que tout soit fini par là, et cette vitalité, cette intelligence qu’il découvre dans les objets inanimés et dans les animaux, se prolongent sous une autre forme au delà de la vie. Mais, ne faisant pas de différence entre l’homme et le reste de l’univers, la vie future n’est pas uniquement propre au premier, mais au contraire est le lot de tout ce qui existe. » Les exemples de cette foi en 1’ « immortalité de l’âme » des animaux, comme de l’homme, abondent. Chez les Mongols et les Bouriates, on immolait un cheval sur la tombe du défunt, afin qu’il trouvât son coursier dans l’autre monde. Même coutume chez les Arabes, et, dans le nouveau monde, chez les Peaux-Rouges. A l’enterrement d’un général de cavalerie allemand enterré à Trêves en 1781, son cheval fut égorgé et jeté dans la fosse, selon le rite teutonique. L’Indien du Canada est convaincu que l’âme de son chien le suit dans le monde des esprits ; les Aztèques comptant que le fidèle animal leur servira de guide sur la