Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
100
revue philosophique

à considérer comme objet de ses efforts que ce contenu lui-même, tel quel, sans avoir à scruter les raisons cachées dans l’essence même de la conscience en vertu de quoi elle a devant elle tel monde connu ou à connaître, tel assemblage complexe de lois et non un autre. La question posée par Lange : Ce monde est-il un cas spécial entre une infinité de mondes également concevables ? ou bien, en tout état de cause et quels qu’eussent été les commencements des choses, l’ordre et l’achèvement de celles-ci se seraient-ils produits selon la loi de développement dans la même proportion ? Cette question se ramène à cette autre : La conscience serait-elle concevable avec d’autres facteurs de son activité que ceux sur lesquels repose la notion phénoménale du monde actuel ? Par là même cette question n’est plus proprement un des objets de la connaissance naturelle, pas plus que les raisons dernières qui sont au fond de la conscience et qui rendent possible la perception de ce monde. À cause de cette propriété caractéristique, la conscience, en tant qu’elle est le prius de la nature subjectivement connue, n’est plus une partie intégrante de la nature, surtout au sens où ce concept est applicable à la seule recherche expérimentale. Sous ce rapport, la conscience est bien plutôt un concept nécessairement limitatif de la pensée, dont il faut tenir compte pour bien apprécier la connaissance humaine, mais impropre à fournir jamais ni voies ni moyens d’aucune sorte à la méthode scientifique. Les objets de cette dernière sont les produits de la synthèse inhérente à notre espèce de conscience : car les objets de la perception interne ou externe ne sont que cela. Supposé que la conscience elle-même devînt un objet de cette sorte de connaissance, elle ne serait plus l’élément producteur, mais le produit de cette synthèse qui lui est propre ; elle devrait alors être pour le sens interne ou externe un objet d’intuition. Or on peut bien de façon ou d’autre poser intuitivement devant sa conscience une partie quelconque de son contenu, une couleur vue, un son entendu, même une pensée en train de se développer, ou un souvenir, ou un sentiment ; le concept de conscience lui-même peut, en tant que concept, devenir l’objet d’une connaissance intuitive de ce genre ; mais l’acte producteur de la conscience ne saurait, en tant qu’acte, être lui-même l’objet d’une pareille intuition. Nous sommes contraints d’en affirmer l’existence sans pouvoir par aucun procédé nous en représenter l’essence intuitivement. Celle-ci ne tombe pas de sa nature sous la conscience, pas plus que l’œil, au moment où il a devant lui certains objets qu’il perçoit, ne peut par la même occasion être pour lui-même un objet de perception extérieure. » La conscience est donc bien quelque chose de transcendant pour l’investigation empirique, et pour la méthode des sciences naturelles une barrière.

Il est vrai qu’à un certain point de vue la théorie de la conscience rentre elle-même dans la connaissance de la nature. C’est ainsi que psychologues et physiologistes essayent d’expliquer dans quelles con-