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carrau. — le dualisme de stuart mill

plus superficiel. Prétendre que les atomes ont eux-mêmes produit cet accord, n’est-ce pas dire qu’ils ont tenu conseil, qu’ils ont élaboré un plan en commun ? De fait, la multiplicité d’éléments impénétrables, irréductibles, n’expliquera jamais l’unité merveilleuse qui se cache sous la variété de l’ensemble. Et cette unité, c’est vraiment là, le mot l’indique, ce qui proprement constitue l’univers et le distingue d’un inintelligible chaos.

Ce n’est pas tout, et la raison, éclairée par la science, n’aperçoit pas le plus léger motif pour attribuer aux atomes l’éternité. Parmi les théories les plus récentes sur la constitution ultime de la matière, celle qui paraît expliquer le plus grand nombre de faits est la théorie des atomes — tourbillons, suggérée à M. Thomson par la découverte de Helmholtz relativement à ce qui se passe dans les mouvements des fluides. D’après cette hypothèse, les atomes seraient « de petits tourbillons se mouvant circulairement dans l’éther, les parties rotatoires d’un fluide parfait qui remplit tout l’espace ». — Mais, observe justement M. Flint, on ne comprend pas comment le mouvement, dans un fluide parfait, pourrait commencer naturellement. Le frottement étant rigoureusement nul, il est clair que le mouvement, une fois produit, ne s’arrêtera plus ; mais c’est le commencement qui ne s’explique pas. Par suite, rien ne rend compte, dans la théorie de M. Thomson, ni de la production, ni de la destruction d’un seul atome de matière. « L’origine ou la cessation du mouvement dans un fluide parfait doit être l’effet d’une action surnaturelle ; en d’autres termes, chaque atome-tourbillon doit nécessairement à une impulsion divine la rotation qui lui donne son individualité. »

Ainsi, par ses inductions les plus autorisées, la science dépouille de leur éternité menteuse les éléments derniers de la matière ; au cœur même de l’atome, elle se croit en droit de signaler le mouvement, le changement, et, dans la plus petite molécule, une complexité presque infinie. « Nous avons de bonnes raisons de croire, dit Stanley Jevons, que même les atomes chimiques sont de structures extrêmement complexes ; qu’un atome de fer pur est probablement un système beaucoup plus compliqué que celui des planètes et de leurs satellites ; que chaque élément constitutif d’un atome chimique parcourt, pendant une durée qui n’est que la millionième partie de celle d’un clin d’œil, un orbite où il est, simultanément ou successivement, sous l’influence de beaucoup d’autres éléments, ou peut entrer en conflit avec eux ; que chacune de ces particules infiniment petites résout, selon les belles paroles de sir John Herschel, et cela pendant une durée illimitée, des équations différentielles qui,