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moins les inductions auxquelles elle conduit, qu’on peut invoquer contre Stuart Mill.

Dans un court et substantiel ouvrage dont il a été fait ici même un compte rendu sommaire, M. Robert Flint s’est proposé cette tâche, et il l’a remplie, selon nous, avec un remarquable succès. — Que s’agit-il, demande M. Flint, d’établir pour mettre à néant les objections de Stuart Mill ? Que l’univers tout entier, dans ses éléments permanents, comme dans ses phénomènes variables, est un effet ; qu’aussi profondément que l’on puisse pénétrer dans la constitution de la matière, on y découvre mouvement, changement, passage d’une forme à une autre forme, — ce qui, de l’aveu même de Stuart Mill parlant au nom de la science expérimentale, implique la nécessité d’une cause.

Et d’abord, qu’entend Stuart Mill par « les substances spécifiques élémentaires et les propriétés qui leur sont inhérentes », cette portion des choses qui, selon lui, serait éternelle et incrée ? S’il veut désigner les corps simples de la chimie, on lui opposera l’hypothèse, fort légitime, qui n’y voit que des modifications ou des synthèses d’un élément matériel unique. Comment, en effet, supposer, dès l’origine de l’univers, l’existence de soixante-quatre ou soixante-cinq substances irréductibles ? Comment concilier un nombre aussi considérable d’éléments vraiment primitifs avec la théorie de l’évolution, si généralement acceptée aujourd’hui, et dont il serait puéril de contester l’extrême probabilité, au moins dans le domaine de la nature inorganique ?

Admettons pourtant ces prétendus corps simples : on ne niera pas que chacun d’eux ne soit composé de parties similaires qui échappent à toutes les prises de l’observation. Par l’expérience, on connaît l’oxygène ; mais l’oxygène est formé d’atomes que l’expérience n’atteint pas. Or, si l’oxygène est une substance invariable, douée de propriétés invariables, il n’est évidemment tel que par la nature de ses atomes. L’oxygène sur lequel opère le chimiste peut changer indéfiniment de poids, de volume, etc. ; rigoureusement, il n’y a dans l’oxygène que ses atomes qui ne changent pas, et, comme l’atome n’est pas objet direct d’expérience, il est inexact de soutenir, ainsi que le fait Stuart Mill, que celle-ci nous révèle l’existence d’éléments immuables dans l’univers.

Mais concédons que l’atome existe, qu’il existe éternellement et par soi. Des atomes en nombre illimité ne nous donnent pas encore le cosmos. Ici, la réfutation est facile et connue. L’univers forme un tout harmonieux ; le consensus des parties qui le composent se manifeste à l’œil pénétrant de la science aussi bien qu’au regard le