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était pas même tenu là. Afin de donner au personnage qu’il s’agissait de représenter une physionomie plus saisissante, il lui avait prêté tout ce qui dans sa vie passée pouvait lui convenir ou lui faire honneur : ses relations avec le nonce, ses écrits contre les disciples de Machiavel, son Apologie du concile de Trente. Sous le feu de son imagination inventive, les circonstances de son bannissement de la Grande-Bretagne projetaient autour de son front comme un reflet d’auréole. Il se donnait pour un martyr d’intention, qui avait survécu sans le faire exprès. Il parlait de son enthousiasme, de celui de ses compagnons, presque tous Jésuites, durant leurs quarante-neuf jours de captivité dans les cachots des hérétiques. À l’entendre, c’était avec peine que lui et eux s’étaient vu ravir cette joie sans pareille de mourir dans les supplices pour la plus grande gloire de la religion[1].

Avec tout cela, je doute qu’il réussît à se faire prendre pour un saint. De son aveu même, ses ouvrages, dont il se faisait des cautions, ne furent pas du goût de tous les théologiens[2]. Néanmoins le fait de son quasi-martyre était constant, et il était trop à l’honneur de la foi pour qu’on ne lui en tînt pas grand compte. Grâce aux recommandations de Genocchi et à cette bonne opinion qu’il sut donner de lui, il put demeurer tranquillement à Gênes et y vivre, à son ordinaire, en donnant des leçons. Il nous apprend négligemment — comme négligemment on lève la main pour montrer une bague de prix — qu’il y eut pour élèves des jeunes gens de qualité, parmi lesquels un Doria[3]. Quant à ses relations, elles furent naturellement celles de son ami. Il se trouva de nouveau intimement mêlé, comme il l’avait été jadis à Naples, aux gens d’église et aux religieux. Les souvenirs de sa jeunesse le conduisirent chez les Carmes, ses premiers instituteurs. Il découvrit là un Spinola qui avait enseveli ses privilèges de naissance sous la robe brune et le camail blanc. Un Spinola, simple moine[4] ! cela lui paraît étrange. Que n’a-t-il eu la puissance d’appareiller le nom et l’habit ! son Spinola aurait été cardinal ; et, après tout, il le méritait, car c’était un homme aimable, assez savant, avec qui il y avait plaisir à parler philosophie.

Genocchi le mit aussi en rapport avec les Jésuites, qui étaient alors, plus belliqueusement peut-être qu’ils ne le sont aujourd’hui, les soutiens de la cause catholique. Par ce qu’on devine de ses entretiens avec eux, on voit qu’ils ne faisaient mystère à personne de leurs préoccupations. Les hérésies n’étaient pas ce qui les inquiétait

  1. Amphith., p. 117.
  2. De arcan.. p. 371.
  3. Amphith., p. 274 ; De arcan., p. 172.
  4. De arcan., p. 459.