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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/180

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voyait habituellement, et qu’il s’efforçait d’y imprimer une idée à fleur de coin de son zèle pour la bonne cause, de son dévouement à l’Ordre, et de son aptitude à le servir. On va voir par la suite de sa vie que sa tactique eut un plein succès. Pour dire la vérité, aucun document n’atteste que les jésuites lui aient témoigné leur reconnaissance en lui prêtant leur crédit. Mais les circonstances que j’ai fait connaître, et la force du courant qui va désormais emporter vers la haute mer la fortune de Vanini, laissent deviner que ce sont eux qui l’ont remise à flot et dégagée de l’écueil où elle s’était échouée. Pourtant, il faut s’entendre et empêcher ici toute méprise. Je ne veux pas dire que le général et les principaux de l’Ordre prirent en main la cause de l’auteur de l’Amphithéâtre. Cela serait par trop ridicule. On sait bien que la Compagnie répugne à donner en corps, alors même qu’il s’agit de dégager quelqu’un des siens, et qu’elle n’irait pas perdre de vue l’unique tin qu’elle s’est proposée, pour s’occuper des embarras d’autrui. En revanche, elle laisse aux individus qui la composent une certaine latitude d’obliger ; ils peuvent rendre quelques bons offices ; mais à l’air distrait et comme détaché dont ils le rendent, on sent que la bienveillance leur est mesurée et qu’ils n’agissent que par tolérance. Aussi n’aident-ils volontiers que ceux qui commencent par s’aider eux-mêmes. Dans ces conditions et quelque restreint qu’il paraisse, leur concours ne laisse pas d’être infiniment utile, car ils sont admirables pour donner des conseils, indiquer les points stratégiques d’une intrigue ou d’une affaire, signaler les personnages qu’il importe de circonvenir, et surtout ménager à leurs protégés par des recommandations directes ou transmises l’appui dont ceux-ci ont besoin.

Voilà ce que Vanini attendait des jésuites de Gênes. Il n’y arien d’étonnant à ce qu’il l’ait obtenu, puisqu’il s’était donné tous les droits possibles à leur confiance et à leur amitié. On voit, à la manière dont il parle de Silvius en deux endroits de l’Amphithéâtre (pages 268 et 285), qu’il ne leur avait pas laissé ignorer son histoire, et comme on connaît son imagination et sa finesse, on peut être sûr qu’il les avait amenés à regretter que cette malheureuse aventure eût interrompu la guerre en règle qu’il était en train de faire, sous les auspices du nonce, à l’incrédulité et à l'hypocrisie philosophiques. Son nouvel ouvrage, où il reprenait ses premiers et louables errements, semblait prouver que l’extermination des athées était chez lui une idée fixe ou — car il vaut mieux parler à sa mode — une mission pour laquelle la divine Providence, dont il s’était fait le vengeur, l’avait élu et prédestiné. En effet, les athées étaient relativement en petit nombre en Italie, et où était l’occasion