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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

prochaine des grands coups qu’il venait de leur porter ? L'Amphithéâtre n’avait pas de raison d’être à Gênes. Publié en France, où l’irréligion faisait d’effrayants progrès, il n’y paraîtrait pas sans profit. C’était donc une chose désirable que l’auteur pût rentrer à Paris. Etait-ce une chose impossible ? Il fallait en faire l’expérience aux moindres risques qu’il se pourrait. Pour commencer, pourquoi Vanini n’irait-il pas d’abord à Lyon ? Il y ferait imprimer son livre, tout prêt à regagner la frontière à la première alerte. Les Pères de la Compagnie jouissaient dans cette ville d’une grande autorité. L’archevêque était M. de Marquemont, un des plus ardents promoteurs de la publication du concile de Trente. Le gouverneur se trouvait être Alincourt, c’est-à-dire le propre fils du secrétaire d’État Villeroy, si favorable aux Jésuites. Il n’y avait pas d’obstacles que de pareilles puissances ne fussent en état de lever. Si elles ne daignaient pas, comme il était probable, prendre la peine de solliciter la grâce du meurtrier de Silvius, elles voudraient peut-être bien lui faire obtenir une permission tacite de retourner à Paris et lui donner accès auprès du chancelier. Le tout était de les mettre dans son jeu ; c’est à quoi il fallait travailler.

Encore une fois, ce plan de campagne ne se trouve exposé nulle part ; ce n’est qu’une hypothèse, mais les faits qui y adhèrent et qui la prolongent lui prêtent leur réalité. Ce qui est certain et bien avéré, c’est que, dès le mois de mars 1615, Vanini est établi à Lyon dans une mauvaise petite hôtellerie[1]. Il a trouvé, ou plus probablement on lui a procuré un éditeur, car je ne suppose pas qu’en l’état de sa fortune il ait été l’ennemi des philosophes jusqu’à la bourse inclusivement. Il s’occupe à préparer l’impression de son manuscrit. Seul ou de compte à demi avec ceux qui le protègent, il fait des démarches auprès du censeur ou de l’official de l’archevêché, du procureur et du lieutenant général du roi. Il s’agit de donner à l’Amphithéâtre ses grandes entrées dans le monde. Un livre de ce caractère et qui a de telles visées ne peut pas s’y présenter en inconnu. Il recherche avec hauteur ce que dédaignent ou évitent les œuvres modestes ou douteuses. Il a la prétention, que celles-ci ne sauraient avoir, de plaire aux honnêtes gens. Il ne craint pas de se munir des sacrements institués à l’usage des libraires par l’Église et la puissance civile, et par elles imposés aux nouvelles impressions pour la plus grande sûreté des consciences. Aussi voyez avec quelle considération on le traite. Le censeur Jean-Claude Deville, maître en théologie, prédicateur, chanoine de Saint-Paul, ne se

  1. De arcan., p, 446, 447.