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contente pas de louer « ses raisonnements si ingénieux et si forts », de les déclarer conformes à l’enseignement des plus grands docteurs : il s’afflige encore avec l’auteur de la scandaleuse propagande des politiques et des athées, et s’écrie en gémissant qu’il n’est que trop utile de s’y opposer. Approbation, permis d’imprimer, permis de publier, privilège du roi viennent successivement du 4 au 23 juin 1615 se ranger autour de l’Amphithéâtre comme une garde d’honneur.

Si Vanini n’avait eu d’autre but que celui qu’il indique dans son avis au lecteur, il aurait pu s’en tenir à ces distinctions. Il n’en fallait pas davantage pour prévenir en faveur de son livre ceux qui s’intéressaient aux questions religieuses. Mais, comme on sait qu’il tendait ailleurs, on s’explique très bien qu’il ne s’en soit pas contenté et qu’il en ait cherché de plus personnelles. C’était très bien d’avoir vengé la Providence la plume à la main ; c’était beaucoup de produire un satisfecit des juges de la doctrine et de passer pour un ami des jésuites. Mais cela était-il suffisant ? Cela, sans plus, lui rendrait-il le libre accès du Louvre ? Evidemment non. Le grand art, quand on sollicite, est de faire en sorte que les gens en place dont on a besoin ne restent pas indifférents. Il faut, comme on dit, les mettre dans son jeu, les prendre, ainsi qu’ils aiment à l’être, avec des noms dont l’éclat les séduise ou les inquiète, non pas seulement avec des raisons qui, si bonnes qu’elles soient, auront toujours ce tort à leurs yeux de ne pas les intéresser du tout. Notre philosophe, qui les avait bien connus, se souvint fort à propos que le fils du comte de Lémos était le bienfaiteur de sa famille, et il s’arrangea pour que l’Amphithéâtre parût sous les auspices de ce grand et puissant seigneur. Veut-on juger de l’effet possible de cette manœuvre ? Qu’on imagine le chancelier de France en train de travailler avec un référendaire. — Voici une requête d’un sieur Vanini. — Qu’est-ce que c’est’. — Il demande des lettres d’abolition pour meurtre. — Se moque-t-il ? — Il a fait un traité contre les athées. — Eh bien, après ? — Le censeur de Lyon a déclaré ce livre excellent. — Je le veux bien. — Il parle avec admiration des jésuites. — Il n’y a qu’à lui accorder un privilège. — C’est déjà fait. — Alors n’en parlons plus. — Attendez, il est dédié à Mgr François de Castro, comte de Castro et duc de Taurizano. — Qui ? l’ancien vice-roi de Naples, l’ambassadeur d’Espagne auprès du Saint-Siège ? — Lui-même. — Eh mais, passez-moi donc ce livre. Quel titre, bon Dieu ! Amphithéâtre de l’éternelle Providence, divino-magique, christiano-physique, astrologo-catliolique ! Mais c’est un opérateur que cet homme-là ! Enfin !… C’est un domestique de la maison de Castro… le fils de l’intendant