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ingénieuse ; et nous ne résistons pas au plaisir de la reproduire. « On sait que l’holothurie tubuliforme, quand on la prend dans la main ou qu’on la plonge dans l’esprit-de-vin, rejette par la bouche toutes ses entrailles, de temps en temps dans le premier cas, presque toujours dans le second. Voici l’explication du phénomène, d’après mes observations. Si l’on retire l’animal de l’eau, il se contracte tout entier, comme les actinies. Ce mouvement a pour premier et immédiat effet de projeter au dehors l’eau contenue dans le corps de l’animal, absolument comme les moules projettent l’eau par la brusque occlusion de leur coquille. Il serait très naïf de croire que l’animal, en effectuant sa contraction, a l’intention d’arroser l’agresseur. Le jet d’eau est l’effet immédiat et inconscient de la contraction. Si l’on continue de tenir l’holothurie dans la main, et si on la tourmente davantage, la contraction devient plus intense : et qu’arrive-t-il alors ? L’animal lance au dehors la matière laiteuse, gluante et étonnamment collante, que l’on sait, qui provoque le dégoût et qu’on a beaucoup de peine à enlever. Cette substance donne la mort aux petits animaux, qui ne peuvent s’en débarrasser ; et les grands animaux marins, tout comme l’homme, ne peuvent en subir le contact sans un profond dégoût : on en a conclu qu’en projetant celte matière l’holothurie avait l’intention de se défendre. Mais l’animal n’y songe pas plus, dans ce cas, qu’il ne le faisait en lançant un jet d’eau : il ne faut voir là qu’un effet inconscient, approprié sans doute, mais dû à la sélection et transmis par l’hérédité, qu’un résultat de la contraction primitive et consciente. Que l’on continue d’irriter l’holothurie, qu’on la plonge dans un bain mortel d’alcool, l’intensité de son effort contractile augmente encore : et l’animal va même évidemment à rencontre de son intérêt, jusqu’à finir par projeter ses entrailles par la bouche. Personne ne voudra soutenir que l’animal veut cet effet de la contraction. » — L’auteur étudie curieusement les phénomènes analogues chez les vers, les gastéropodes, les céphalopodes, enfin les vertébrés. Et sa conclusion est que les divers mouvements de dépense et leur convenance chez les animaux inférieurs ne sont que les manifestations variées d’un seul et même pouvoir, celui de répondre aux impressions désagréables par la contraction du corps.

(À suivre.)

M. Herbert Spencer vient de publier chez Williams et Norgate la première partie de sa morale sous ce titre : The data of Ethics, vi-288 p. La traduction française de cet ouvrage paraîtra au mois d’octobre prochain dans la Bibliothèque scientifique internationale.


L’Allemagne et l’Espagne se préparent à célébrer en 1881 le centenaire de Krause.

Le propriétaire-gérant,
Germer Baillière.