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hartmann. — la philosophie religieuse

qui le rattachent à l’histoire est vantée par Pfleiderer « comme le moyen le plus commode et le plus efficace pour enseigner et vivifier constamment le principe de la délivrance dans le sein de la communauté » ; dans le Jésus historique, on doit honorer le fondateur de la communauté chrétienne, qui transmet à tous ses membres futurs le principe de la délivrance.

Ainsi la christologie du protestantisme spéculatif se réduit d’une part à la recommandation pédagogique de s’attacher à l’image du Christ comme à une création symbolique idéale, et d’autre part à la demande dévouer un culte historique au fondateur du christianisme, religion de la délivrance immanente. Celui qui examinera de près ce reste de la christologie trouvera qu’il est trop mince et trop insignifiant pour qu’on ait le droit de se dire encore chrétien, quand on a retranché du christianisme la divinité du Christ, son rôle comme libérateur, la trinité, ainsi que le libre arbitre et l’immortalité. Si ces dernières négations impriment au protestantisme spéculatif le caractère d’une secte fortement divergente dans le sein du christianisme, le refus de voir dans le Christ un rédempteur personnel l’exclut, aux yeux de tous les croyants, de la communauté de ceux qui veulent maintenir leur religion de la rédemption comme une religion chrétienne. Si le protestant spéculatif dit qu’il trouve dans le Christ sa réconciliation avec Dieu et sa félicité, il a conscience que l’expression Christ prise dans le sens abstrait désigne un principe impersonnel, universel, et que sa représentation figurée par un Christ personnel, idéal, doit uniquement être comprise dans un sens symbolique, sans que la fiction symbolique puisse prétendre à être une vérité historique ou métaphysique. En présence dune pareille transformation de la vérité absolue en un symbole fictif, tout chrétien croyant doit nécessairement regarder la tentative de se rattacher à la tradition chrétienne comme un jeu puéril avec des fictions ; à ses yeux, la seule négation de l’activité personnelle du Sauveur crucifié pour délivrer l’humanité suffit pour refuser le titre de chrétien à ceux qui se placent à un pareil point de vue.

Maintenant, quel jugement un non-chrétien portera-t-il sur la prétention du protestantisme spéculatif à être une religion chrétienne ? Non seulement il trouvera que les vrais chrétiens ont raison de ne pas admettre cette prétention, mais il dira encore que celle-ci pouvait seulement naître et être soutenue d’une façon spécieuse, parce que le point de vue historiquement spéculatif est devenu infidèle à lui-même, au sens historique aussi bien qu’au sens spéculatif. Nous allons justifier ce jugement par rapport à l’image symbolique du Christ et par rapport au culte voué au fondateur de la religion.