Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/258

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Le protestantisme spéculatif, comme nous l’avons vu, prétend se distinguer de toutes les vaines tentatives pour réconcilier le Christ historique avec le principe immanent de la réconciliation, en ce qu’il reconnaît leur incompatibilité et qu’il rejette tout essai de les identifier comme une représentation pleine de contradictions et qui empêche de comprendre d’une façon adéquate le principe de la délivrance. Si, malgré cela, il maintient cette fusion représentative contradictoire comme une image idéale du Christ, il agit à la fois contre sa conscience historique, qui lui dit que le Jésus historique n’était pas ce Christ idéal, et contre sa conscience spéculative, qui lui dit que le principe immanent de la délivrance est universel, impersonnel, purement intellectuel et pouvant seulement être personnifié si on le met en contradiction avec lui-même. Si le protestantisme spéculatif conserve néanmoins son image idéale du Christ à titre de fiction purement symbolique, il a le choix entre l’alternative suivante : ou bien, ce symbole dénué de toute vérité abstraite possède une vérité religieuse, ou bien il n’en possède pas ; dans le premier cas, il admet la doctrine de la double vérité, qu’il a lui-même jugée être une position de retraite intenable ; dans le second cas, il veut nous faire commettre ce contre-sens psychologique de symboliser notre savoir dans une fiction qui est diamétralement contraire à ce que nous savons. En outre, l’expression symbole est un masque qui ne convient pas du tout ici ; un idéal personnifié pourrait seulement être appelé symbolique, en tant qu’il est une fiction pure, étrangère à l’histoire ; au contraire, l’union entre un pareil idéal symbolique et une personnalité historique ne pourrait plus, en aucun cas, être appelée symbolique ; mais elle est, à tous les points de vue, un mélange monstrueux de fiction symbolique et historique. « Un type dont on ne sait s’il est historique ou idéal » n’est ni chair ni poisson ; c’est la fiction incompréhensible que la « théologie de la réconciliation » nous montre dans la christologie ; mais, pour le point de vue du protestantisme spéculatif, l’admission d’un pareil type est à la fois une renonciation à ses principes et un retour à l’indétermination et à l’obscurité de la théologie de réconciliation.

Si les anciens temps ont fait subir des transformations fondamentales à leur conception du Christ, ce fait ne donne pas à notre époque le droit dé se permettre des transformations analogues ; car ce qui se faisait alors sans qu’on s’en aperçût, parce qu’on agissait inconsciemment, se ferait maintenant avec pleine conscience ; le sens historique et critique de notre époque doit donc également s’y opposer. La tradition historique et le besoin spéculatif ont tra-