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gements avaient eu lieu à la Cour et dans l’État. La roue de fortune avait tourné. Les protecteurs du philosophe étaient renversés, ses ennemis, triomphants, et, bien loin de pouvoir sauver son ouvrage, il était lui-même plus en péril que jamais.

Le 2 septembre 1616, le lendemain même du jour où les Secrets de la Nature étaient sortis de la presse, le prince de Condé avait été arrêté. C’était, à ce qu’on pouvait croire, le dénouement de la lutte engagée, depuis la majorité de Louis XIII, entre l’ex-régente, qui voulait retenir le pouvoir, et le parti des grands, qui se donnaient pour les champions du gouvernement personnel du roi. Secrètement dirigée par l’évêque de Luçon, Marie de Médicis venait par ce coup hardi de s’assurer la victoire. Elle avait ôté aux mécontents leur chef naturel et restait maîtresse incontestée des Conseils. Tous ceux qui, dans le ministère, avaient paru désapprouver son ambition ou hésiter à la servir, avaient été, les uns écartés, les autres sacrifiés, entre ceux-ci le chanceller Bruslart, qui, pour avoir cherché à ménager les deux partis, avait perdu les sceaux dès la fin du mois de mai. Le maréchal d’Ancre, qui, durant le fort des troubles, avait été contraint de se tenir loin de la cour, se disposait à y revenir. Quoique la populace eût pillé son hôtel, le jour même de l’arrestation du prince de Condé, rien ne pouvait plus l’empêcher de " rentrer dans Paris. Tout annonçait qu’il allait reprendre auprès de la reine-mère son rôle de favori, et par conséquent, dans l’État, la direction suprême des affaires.

C’était, par malencontre, au renouveau de cette toute-puissance que les Secrets de la Nature avaient paru. Entre tous les événements que Vanini pouvait craindre, celui-là était, à coup sûr, le plus inattendu et le plus redoutable. Car le grand seigneur dont il avait excité le ressentiment, en poignardant Silvius, était précisément un de ces Florentins qu’on avait crus partis sans retour, sinon Concini lui-même, au moins une créature de Concini. C’était parce que la ruine de ces étrangers paraissait imminente au mois de juillet 1615 qu’il avait osé rentrer en France ; c’était parce que, la croyant consommée, il avait compté sur l’impunité, qu’il avait lui-même réveillé dans son livre le souvenir de son homicide et qu’il s’y était donné la joie, que d’autres devaient partager, de charger d’un vice énorme le protecteur, l’amant, à son dire, de celui qu’il avait mortellement frappé. Avec le bruit qui se faisait alors autour de son nom, s’il restait à Paris, il était perdu. Ses amis de la jeune cour, qui avaient fondé sur la chute de Concini l’espérance de leur fortune, étaient eux-mêmes trop inquiets, avaient trop de ménagements à garder, pour s’embarrasser de le sauver. Il y avait en effet grande apparence