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l’observation psychologique laisse dans l’ombre. C’est là cependant que nous en sommes réduits, et je crois que l’on peut légitimement adopter pour tous les faits l’hypothèse de la concurrence et de la sélection. Remarquons d’abord que l’existence de ces phénomènes physiologiques inconscients[1] et leur influence sur les manifestations psycho physiques sont prouvées pour certains cas. Les actions réflexes "en sont une preuve ; les maladies mentales en fournissent bien d’autres. Nous voyons ensuite que la concurrence et la sélection expliquent un grand nombre de faits dans toutes les sphères de l’activité psychique. Les généralisations partielles auxquelles sont arrivés les savants ou les philosophes confirment en général la loi de concurrence ou sont d’accord avec elle.

Nous pouvons rappeler ici ce que dit Esquirol sur le traitement de la folie. Il en résulte que la lutte des excitations et des impressions peut provoquer la guérison de cette maladie. Les théories associationistes, la théorie d’Herbert Spencer sur l’évolution du système nerveux, de Spencer et de Léon Dumont sur le rire, de M. Taine sur la production des œuvres d’art, confirment la loi de concurrence ou s’accordent avec elle.

On aurait enfin de nouvelles preuves en examinant la genèse des idées vraies, des sentiments et des actes moraux. Bornons-nous à indiquer brièvement un cas des plus discutés. Le remords paraît un phénomène entièrement analogue à l’illusion des couleurs complémentaires et à tous les faits qui sont dus à la fatigue d’un organe après une impression persistante. Le remords se produit soit après que le désir a été satisfait, soit après que la même idée a longtemps opprimé l’esprit. Il disparaît souvent lorsque les organes reposés, ou excités de nouveau puissamment, peuvent revenir à leur premier état. Un avocat enfermé à Charenton et qui s’était livré à la boisson, rougit, paraît honteux, se repent. Si on lui fait des reproches, il promet de résister à son penchant et déclare avec l’accent du désespoir « qu’il est entraîné malgré lui dès qu’il voit la possibilité de satisfaire son goût pour les liqueurs ». Chaque fois qu’on le laisse sortir de l’établissement, il rentre dans un état complet d’ivresse. Si on le retient pendant quelques semaines, sa conduite redevient régulière ; mais, après une longue privation, il se sent de nouveau fortement excité, et il a recours aux promesses, à la ruse, à la menace même pour être mis en liberté. (Esquirol.)

Cet exemple est bien propre à montrer d’abord combien l’excita-

  1. Par inconscients, j’entends inconscients relativement au moi. Il est possible et peut-être probable que des faits de conscience dont nous n’avons pas connaissance accompagnent ces faits physiologiques.