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L. Carrau. — Études sur la théorie de l’évolution aux points de vue psychologique, religieux et moral. Paris, librairie Hachette. 1879.

M. Carrau a réuni en un volume, en les développant, plusieurs travaux déjà publiés dans les Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences morales et politiques, dans la Revue politique et littéraire et dans la Revue des Deux-Mondes. Ces divers travaux forment d’ailleurs un tout parfaitement homogène au point de vue de l’inspiration. Chacun d’eux est consacré à l’examen d’une des principales questions que la philosophie évolutionniste croit pouvoir résoudre. M. Carrau a lâché de démontrer son impuissance sur tous les points. Il critique successivement les tentatives faites pour expliquer l’origine de l’instinct et de la pensée, l’origine de l’homme, l’origine de la croyance à la vie future, l’origine des cultes primitifs, l’origine du sens moral et l’origine du langage.

La question de l’origine absolue est en dehors du débat. « Le problème de l’origine première des choses, dit M. Carrau, est et restera toujours un problème transcendant : la science positive ne peut aspirer à le résoudre, sous peine d’être infidèle à l’esprit de sa propre méthode. » On a d’injustes préventions, à ce sujet, contre le transformisme. « Les dogmes essentiels du théisme philosophique n’ont rien à craindre, quelles que soient d’ailleurs les intentions hostiles que nourrissent à leur égard certains partisans de la nouvelle doctrine. De toute manière, la question de l’existence de Dieu est hors de cause. Le transformisme est-il ou non fondé en logique et en fait ? Voilà tout le débat, et l’on comprendrait mal que la passion vînt s’y mêler, s’il est bien entendu que l’issue, fût-elle favorable au transformisme, ne compromettrait aucune grande vérité de l’ordre métaphysique. »

C’est donc seulement sur le terrain en quelque sorte scientifique que veut se placer M. Carrau. J’ai indiqué sa conclusion. Pour lui, la théorie de l’évolution ne réussit pas à montrer le passage entre le règne animal et le règne humain. Un acte créateur est ici nécessaire. M. Carrau est d’ailleurs assez disposé à réduire à un « minimum en quelque sorte infinitésimal la quantité d’action directe par laquelle Dieu est intervenu pour former l’espèce humaine au sein de l’animalité. »

Devons-nous accepter les conclusions de M. Carrau et, rejetant l’évolutionnisme, revenir aux croyances contraires, ou conserver ces croyances si nous les possédons encore ? La question est double, et il y a lieu de rechercher d’abord si la théorie de l’évolution est impuissante ; ensuite, si une théorie différente a de meilleurs fondements et peut mieux nous rendre compte des faits observés. Je ne puis ni discuter ni même exposer ici toutes les critiques faites par M. Carrau ; il est bien évident que la théorie de l’évolution n’est encore qu’une hypothèse et qu’elle présente de sérieuses difficultés. Telles sont quelques-unes de celles qu’indique M. Carrau. L’origine de la cons-