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-tième où l’on parle principalement du somnambulisme et de la diversité des rêves, parce que cela m’entraînerait trop loin. Dans ce chapitre, l’auteur compare la folie et le rêve. « La folie est un rêve d’éveillé, » a dit Kant. L’auteur ne fait guère que commenter cette définition ; il se livre à son goût pour les descriptions qu’il réussit généralement bien ; mais malheureusement il emploie beaucoup d’images, de métaphores et de comparaisons, qui ont bien leurs charmes, mais qui manquent de solidité. La comparaison doit éclaircir et fortifier l’explication, mais ne doit pas en prendre la place. Or de comparaisons en descriptions, et de descriptions en comparaisons, M. Radestock est parvenu, à force de me faire voir des ressemblances et des analogies, à embrouiller et emmêler si bien les choses que je ne sais plus où est la différence entre l’homme endormi qui rêve et le fou. Et pourtant personne ne s’y trompe : le fou n’est ni un dormeur ni un somnambule.

La même observation s’applique au dernier chapitre où il est traité de la rêverie et de la rêvasserie.

La conclusion de l’œuvre, l’auteur la formule comme suit : « C’est par des dégradations nombreuses, mais continues et indivisibles, que la conscience éveillée passe à la conscience du sommeil et du rêve, et entre la santé et la maladie de l’âme on ne trouve en aucune façon une limite tranchée, mais il existe un grand domaine intermédiaire de troubles et de désordres. Personne ne pourrait dire exactement où la raison finit et où la déraison commence.

Fort bien ; mais tout mon être se révolte à cette conclusion qui confond toutes choses, et qui, en dernière analyse, supprime la raison et la chasse de l’univers. De ce qu’il y a des intermédiaires entre deux états opposés, il ne s’en suit pas que l’un soit l’autre. Entre la courbe et la ligne droite il y a toutes les transitions possibles, mais il n’y a qu’une ligne droite ; entre 0 et 1, il y a toutes les valeurs imaginables, mais aucune d’elles n’est le zéro ni l’unité.


IV


M. Stricker, dont je vais maintenant exposer les idées, n’a mis au jour jusqu’à présent, que je sache, aucun ouvrage de psychologie — et même les chapitres qui terminent ses Leçons de pathologie paraîtront à certains hommes du métier un pur hors-d’œuvre. Mais on ne peut que se féliciter de ce que le savant professeur ait en cette circonstance encouru le reproche de manquer à la règle de l’unité