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compayré. — du prétendu scepticisme de hume

six ou sept ans cherche avec son père un objet perdu et qui, s’impatientant de ne pas le retrouver, s’écrie : « Pourtant quelque chose est bien toujours quelque part, » n’exprime-t-il pas lui-même sous une forme naïve l’idée de la relation qui existe entre toute perception extérieure et un lieu déterminé ?

Nous ne songeons pas à atténuer la gravité de l’omission de Hume. Comme le remarque M. Huxley, « on a lieu d’être surpris qu’un penseur de la valeur de Hume se soit contenté d’une analyse psychologique qui, parmi les états élémentaires de l’esprit, omet toute une catégorie très importante de faits. » Mais, il n’est que juste de le reconnaître, Hume, quoique confusément, a rétabli par endroits la vérité qu’il avait niée, et rouvert timidement la porte aux principes qu’il avait exclus. Il admet en effet un certain nombre de relations fondamentales, la ressemblance, l’identité, l’espace et le temps, la quantité, les degrés dans la qualité, les contraires, le rapport de cause à effet. Ces relations primitives et naturelles, qui jouent dans le monde moral le même rôle que l’attraction dans le monde physique, Hume déclare qu’il ne prétend pas les expliquer et qu’elles doivent être considérées « comme des qualités originelles de la nature humaine ». N’est-ce pas avouer que l’esprit n’est pas dominé seulement par l’expérience et l’habitude, qu’il trouve en lui-même un certain nombre de principes d’union, d’association, entre les idées ? Hume semble s’être rapproché encore plus de la réalité, et avoir compris la nature véritable des relations intellectuelles, quand il dit de l’égalité de deux figures géométriques : « L’égalité n’est pas à proprement parler une qualité inhérente aux figures elles-mêmes : elle dérive de la comparaison que l’esprit établit entre elles[1]. » N’est-ce pas en effet reconnaître, dans un cas particulier, la puissance propre de l’esprit dominant les impressions isolées qui se succèdent devant lui et affirmant intuitivement leur rapport ?

Hume a donc tout au moins hésité, tergiversé, dans la question des éléments de l’esprit. Comme il arrive toujours, quand on s’écarte de la vérité, sa pensée, généralement si ferme et si précise, se brouille et se trouble toutes les fois qu’il discute la nature des relations. On peut croire que les magistrales théories de Kant, s’il avait assez vécu pour les connaître, auraient mis un terme à ses indécisions et lui eussent fait comprendre l’impossibilité de nier les lois innées de l’esprit. Comme on l’a fait ingénieusement remarquer, il n’a pu lui-même exposer sa théorie empirique sans y faire intervenir des idées rationnelles. Dès les premières lignes de

  1. Hume, t. I, p. 70.