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son livre, et dans la distinction même qu’il établit entre les idées et les impressions, il fait intervenir deux concepts : celui de ressemblance, et celui d’antériorité et de postériorité, c’est-à-dire de temps. « Les idées, dit-il, sont semblables et consécutives aux impressions. Semblables, consécutives ! il est clair qu’on ne peut citer les impressions d’où sont tirés les faits de conscience exprimés par ces deux mots[1]. » Après tous les efforts tentés par les psychologues de l’École de l’association pour ramener aux acquisitions de l’expérience les lois innées de l’intelligence, la philosophie anglaise elle-même est obligée de revenir à l’innéité de Descartes, et de dire avec M. Huxley que certaines relations irréductibles sont « comme les sensations d’un sens intérieur qui prend connaissance des matériaux fournis par les sens extérieurs ».


IV


Hume a-t-il nié les vérités nécessaires ? C’est ici surtout qu’il convient d’examiner de près la nature du scepticisme qui lui est imputé, et pour cela de rappeler brièvement son opinion sur les vérités géométriques et sur le principe de causalité.

Sur le premier point, il faut reconnaître que Hume a varié dans l’expression de sa pensée. Lisez le Traité de la nature humaine : la certitude géométrique semble s’évanouir ; les lignes et les surfaces, les idées d’égalité et d’inégalité n’ont aucune précision ; empruntées aux sens, elles participent à tout ce qu’il y a de vague, d’indéterminé, dans les impressions sensibles ; enfin les démonstrations elles-mêmes n’échappent pas aux défaillances naturelles de l’esprit, et par suite « toute connaissance, même géométrique, dégénère en probabilité[2] ». Mais dans les Essais le langage de Hume est tout différent. Ici, les vérités géométriques et les vérités de fait sont distinguées avec force. « Tous les objets des recherches de la raison peuvent, dit-il, se diviser en deux catégories : d’une part, les relations d’idées ; d’autre part, les choses de fait. À la première classe appartiennent les sciences telles que la géométrie, l’algèbre et l’arithmétique, en un mot toutes les affirmations qui sont ou intuitives ou démonstrativement certaines… Les propositions de cette espèce se découvrent par la seule opération de la pensée et ne dépendent en rien des choses qui existent dans l’univers[3] » Il n’est guère possible de faire une déclaration plus for-

  1. Traite de la nature humaine, traduction, etc., Introduction, p. xiv.
  2. Hume, t. I, p. 223 et passim.
  3. Inquiry, etc., sect. IV ; t. IV.