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ANALYSESeucken. — Geschichte der phil. Terminologie.

tout pouvoir directeur, et réduit vis-à-vis de la religion, de la morale, des sciences, de l’industrie, en un mot des « idées fondamentales » de la société, à un rôle tout à la fois servile et tyrannique : servile, puisqu’il abdique à leur profit toute autorité morale et qu’il n’est à leur égard qu’un instrument subordonné à chacune d’elles ; tyrannique, puisque, n’ayant pas de principes, il ne saurait sans injustice s’arroger le droit d’en contrôler les manifestations !

H. Dereux.

Rudolf Eucken. — Geschichte der philosophischen Terminologie in Umriss. Esquisse d’une Histoire de la terminologie Philosophique. Leipzig, Veit et comp. 1879.

Toute science a sa terminologie, c’est-à-dire un ensemble de termes techniques destinés à exprimer les idées abstraites dont se compose en définitive le fond essentiel de toute science. Entre les idées et les signes qui les représentent, la solidarité est si étroite qu’on ne saurait les séparer. Ce qui est vrai du langage en général l’est encore plus de la terminologie. Aussi l’histoire des sciences, et en particulier celle de la philosophie, est celle de la langue qu’elles ont parlée à toutes les époques. Leur développement est le même ; elles ont subi les mêmes vicissitudes, partagé la même destinée.

Que de fois la philosophie n’a-t-elle pas été accusée d’avoir une langue mal faite, obscure, équivoque, chargée de termes vagues, souvent inintelligibles, où se reflètent et se consacrent tous les défauts de cette science et qui les perpétuent ! Nous croyons qu’il faut avant tout s’en prendre non à la pensée philosophique elle-même, mais à l’obscurité et à la difficulté des problèmes qu’elle traite, comme à la complexité des faits qu’elle étudie. Ces défauts, parviendra-t-on à les corriger tout à fait, à remédier aux imperfections du langage technique dont se servent les philosophes et qui entre eux crée tant de malentendus, comme il les empêche souvent même de s’entendre avec eux-mêmes ? C’est, nous osons l’avouer, un espoir que ne justifie pas suffisamment le spectacle que nous avons sous les yeux, malgré la prétention affichée aujourd’hui par chaque école d’emprunter aux sciences exactes et positives les termes dont elles se servent et d’en doter la philosophie.

Quoi qu’il en soit, il est facile de voir et il reste toujours vrai qu’à chaque grand mouvement de la pensée philosophique le langage technique lui-même a subi des changements analogues. Toute révolution qui s’est produite dans les idées s’est opérée aussi dans les signes et la terminologie. Des mots nouveaux ont été créés, d’autres ont été fixés, d’autres se sont modifiés ; il en est qui ont reçu une acception nouvelle et une autre signification. Chaque penseur qui a innové dans les idées, qui a imprimé une nouvelle direction à l’esprit