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commença à croire, avec Machiavel, que les religions qui donnent cours à des superstitions pareilles n’avaient été, dans l’antiquité, aux mains des princes et des prêtres, et n’avaient pas cessé d’être autre chose que d’efficaces moyens de gouvernement[1]. Cela ne l’empêcha pas de profiter de son séjour dans sa province pour se mettre en règle avec son évêque. Après quoi, soit qu’il eût reçu les ordres[2], soit plutôt, car il n’avait pas l’âge canonique, qu’il se fût pourvu de dimissoires, il fit ses adieux aux siens, qu’il ne devait plus revoir, et partit pour Naples.

Il y revit en passant ses maîtres, les carmes, et ses amis laïques : Zacharie Olimpio[3], un humaniste très-distingué, qui lui donna à lire un petit traité d’Albert le Grand sur les éternuments, Constantin Calvano[4], un médecin des plus habiles que le docteur Sangrado n’aurait jamais assez loué s’il avait pu le connaître, car c’était un grand ennemi du vin. Ce fut sa première étape. Il visita ensuite, allant toujours devant lui, les universités de Pise, Bologne, Vérone[5], et de là gagna Venise. Le comte de Castro, patron de sa famille, y était alors comme ambassadeur extraordinaire du roi d’Espagne. Il est plus que probable que Vanini alla lui faire sa cour, et qu’il en obtint quelques subsides ; toutefois, ce n’était pas pour cela qu’il était venu à Venise, mais parce qu’il y avait donné rendez-vous à son ami Genocchi, Il y trouva en effet le bon Génois qui l’attendait, et tous deux prirent, comme ils se l’étaient promis, le chemin de l’Allemagne. — On voudrait avoir le journal de leur studieux itinéraire à travers les universités de la Bavière, de la Bohême, de la Saxe et de la Souabe[6]. Ils allèrent certainement à Prague. Était-ce pour y voir Kepler, que Vanini appelle, non sans raison, l’astrologue Kepler (mathematicus)[7] ? Le fantasque disciple de Pomponace devait se croire quelque droit d’approcher l’illustre disciple de Tycho-Brahé. Ils n’étaient pas si loin de s’entendre qu’on pourrait le supposer. — On n’est pourtant pas sans avoir quelques traces de leurs impressions. Vanini a parlé plusieurs fois de ce grand voyage, et l’on voit qu’il en a rapporté une idée peu avantageuse des Allemands. Pour une nature fine et sobre comme la sienne, c’était chose assez répugnante que leurs habitudes bacchiques. Leurs qualités intellectuelles, si différentes de celles de sa race, le rendaient d’autant moins indulgent pour ce grand besoin qu’ils ont de boire incessamment. Il n’avait en effet que de l’antipathie pour leur génie

  1. De arcan., p. 368. 442 ; Amphith., avis au lecteur, p. 2, et p. 35, 60.
  2. De arcan., p. 446.
  3. De arcan., p. 422, 423.
  4. De arcan., p. 84, 85
  5. De arcan., p. 125, 126.
  6. De arcan., p. 349, 448, 478.
  7. De arcan., p. 36.