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paulhan. — l’erreur et la sélection

seule, elle se laisse aller à ses idées ; elle perd peu à peu conscience de tout ce qui l’entoure, et alors apparaissent à ses yeux les trois personnes avec qui elle a eu cette conversation ; elles occupent les mêmes places ; elle distingue leurs voix ; l’une a la voix aiguë et criarde qui la fatigue, et elle ressent l’impression aussi vive qu’au début. Elle sort de cet état quand on vient la voir ; quand on l’appelle, elle éprouve une sensation particulière, comme si on la réveillait ; cet état se reproduisait même en marchant, et Mme G… n’avait nulle conscience des endroits qu’elle traversait ni des personnes qu’elle voyait[1]. »

Persistance. — La persistance d’une impression peut, comme nous l’avons vu, amener l’erreur, de même que la force. « Quelques alcooliques, dit Dagonet, conservent plus ou moins longtemps l’impression qu’ils viennent de recevoir et qui se fait chez beaucoup d’entre eux avec une extrême lenteur. La perception d’une couleur vive persiste en pareil cas, de manière à empêcher la perception de toute autre nouvelle couleur[2]. »

Les impressions auditives persistent également. Chacun peut s’assurer qu’un bruit fort longtemps continué, est perçu alors même qu’il ne se produit plus, et nuit dans une certaine mesure à l’audition des sons différents.

Insensibilité de l’organe. — Il arrive souvent qu’une excitation qui a persisté pendant longtemps émousse la sensibilité de l’organe qui la reçoit ; elle cesse alors momentanément d’être perçue, et les excitations concomitantes l’emportent sur elle.

La vision des couleurs complémentaires provient d’une sélection de cette nature opérée sur la lumière qui arrive à l’œil. Si l’on regarde avec fixité une surface rouge, la rétine devient bientôt incapable de recevoir l’excitation des rayons de cette couleur, et. si l’on porte ensuite les yeux sur une surface blanche, les rayons rouges ne peuvent être perçus, et les rayons complémentaires qui constituent du vert seront triés, choisis, et donneront à la conscience l’impression d’une surface verte remplaçant la surface rouge vue avant elle.

La zone du spectre où le violet commence à se montrer paraît plus ou moins violette ou plus ou moins bleue, selon que l’on commence à regarder le spectre par une extrémité ou par l’autre. Si l’on commence par le côté violet, l’œil devient moins apte à percevoir cette couleur, et le bleu l’emporte[3].

  1. Baillarger, cité par Luys, Actions réflexes du cerveau.
  2. Cité par Luys, Actions réflexes du cerveau, p. 29.
  3. Delbœuf et Spring, Revue scientifique, art. cité.