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analyses. — benno erdmann. Philosophie in Deutschland.

tion de la philosophie n’a jamais été plus florissante que dans ces dix dernières années. En Allemagne, comme en Angleterre, comme en France, comme en Italie, la curiosité publique s’engage, avec une passion croissante, dans toutes les directions où la sollicite l’exemple des penseurs, aussi bien étrangers que nationaux. De l’ombre des écoles, où il s’était confiné pendant longtemps ; l’enseignement philosophique se répand au grand jour par les livres, par les revues, par les journaux. La science elle-même parle moins à la curiosité, je ne dis pas de ses adeptes, mais des profanes, par ses propres découvertes, que par les conclusions philosophiques qu’elle prépare.

Pourtant aucune doctrine n’a su, malgré cette faveur de l’universelle complaisance, ressaisir le sceptre des esprits, qui s’est échappé des mains impuissantes de l’ancien dogmatisme. Nous ne disons pas assez : aucune n’a réussi à renouer même entre un petit nombre d’intelligences ces liens d’une foi commune, qui constituent à proprement parler une école. Jamais l’armée des philosophes n’a compté plus de soldats, plus de volontaires : on y chercherait vainement un chef reconnu. Les œuvres distinguées ne manquent pas cependant à la philosophie de notre temps : et bien des noms consacrés par le succès mériteraient de grouper autour d’une même bannière les volontés individuelles, que leur isolement rend stériles. « Fechner et Lotze, Comte et Spencer, Dühring encore et Hartmann, » ne le cèdent ni en savoir ni en originalité à bon nombre de leurs devanciers. Mais le génie du temps se montre rebelle à toute autorité : personne ne consent à s’enrôler sous le drapeau d’un chef. On met tour à tour à contribution et les savants d’aujourd’hui et les penseurs d’autrefois ; on emprunte aux écoles les plus diverses les matériaux des constructions philosophiques, auxquelles se complaît la fantaisie individuelle. On essaye même de ranimer les pensées éteintes des vieux maîtres des premiers âges, d’un Héraclite et d’un Empédocle.

La diversité contradictoire de ces tentatives ne fait que plus clairement ressortir le besoin commun dont elles s’inspirent également, celui d’une alliance durable entre la science et la philosophie.

Il s’agit de rechercher les causes qui ont produit l’état des esprits que nous venons de caractériser brièvement. Mais auparavant essayons de bien définir la science et la philosophie. L’histoire de leurs démêlés passés et de leurs rapports actuels s’en éclairera d’une plus vive lumière.

Tous les faits qui se laissent ramener aux lois du mécanisme sont des faits scientifiques, à quelque degré de complication que la matière s’y présente. La science leur applique uniformément à tous son axiome incontesté de la constance de l’énergie et de la transformation des forces. On ne discute entre savants que sur la nature des forces élémentaires et de leurs lois, sur la préférence à donner à l’hypothèse des atomes ou à celle de la matière continue. La physique et la chimie étudient le jeu des forces élémentaires ; les autres sciences expliquent.