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établir ni rien démontrer. Nous nous contenterons d’examiner quel pas croit avoir fait M. Bilharz depuis Kant et Schopenhauer.

Ce que le premier a exclu, comme chose en soi, de toute connaissance, se présente, pour le second, à la conscience comme volonté. Il donne ainsi à l’expérience intérieure un contenu réel compris sous un concept unique, et établit par là contre Kant l’existence de fait d’un monde indubitablement métaphysique (p. 5).

Schopenhauer est donc, à proprement parler, le premier métaphysicien ; son erreur a été de regarder la volonté comme une chose en soi, qui, comme telle, ne peut avoir aucune relation avec un sujet connaissant. C’est par là qu’il arrive à son concept de la volonté universelle intelligible, lequel est une contradictio in adjecto (p. 7).

La volonté ne peut être l’essence des choses que parce qu’elle est, au contraire, circonscrite. C’est un effort vers l’être (Drang zu Sein), que l’on peut se figurer comme lié à un point déterminé, et que tout ce qui existe extérieurement limite dans un cercle dont ce point sera le centre. La volonté rencontrée dans un sujet suppose donc une volonté opposée ; c’est la relation réciproque du sujet et de l’objet.

La réunion de ces deux concepts épuise le monde ; chacun d’eux s’applique à une intensité d’être déterminée qui arrive à la conscience par le chemin de l’expérience intérieure (sujet) ou extérieure (objet) (p. 10).

Les concepts de la chose en soi et de l’infini ne doivent être considérés que comme des moitiés de concept ; il manque à chacun d’eux un élément essentiel pour la représentation du concept.

L’univers se décompose en une pluralité infinie d’existences circonscrites et en relation entre elles ; à chacune, comme sujet, la totalité de toutes les autres apparaît comme l’objet réciproque. L’infinité de l’être’ se traduit ici dans le changement sans fin de l’espace et du temps, formes sous lesquelles apparaît l’objet circonscrit (p. 11).

Le cercle de la volonté doit être regardé comme divisé en deux moitiés correspondant à la réceptivité et à la spontanéité. L’effet de l’objet inconnu en lui-même, a lieu sur la face réceptive (pure sensation) ; ce qu’on sent est inverse de l’objet réel : c’est le trou que fait la balle dans l’air, c’est le creux où s’imprime le relief (p. 13). Le renversement subsiste jusqu’au point milieu où il y a concentration synoptique du schéma sensible (Kant).. et inversion symétrique du côté spontané, ce qui produit finalement une représentation congruente à l’objet réel. Le processus physique de la vision donne une fidèle image du processus métaphysique delà connaissance.

L’intensité objective de l’être représenté dans la conscience (unique à chaque instant) est déterminée, pour le sujet (point de vue géocentrique), par la vitesse du changement ou le rapport de l’espace et du temps, qui sont ainsi les deux coordonnées de la connaissance (p. 15). L’espace et le temps sont ici entendus au sens métaphysique ; leurs formes physiques n’apparaissent que si le sujet se transporte, du centre du cercle de la volonté, à la circonférence, et c’est alors seu-