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a. debon. — localisations psychologiques

ment une notion d’étendue toute faite d’effort. C’est en ce sens qu’il convient d’entendre la pensée de Maine de Biran, lorsqu’il parle d’une « étendue intérieure du corps, type simple et originel d’une sorte d’étendue qui, pour ne pouvoir se représenter sous aucune image, n’en a que mieux toute la réalité d’un fait primitif. »

À l’heure présente, la première de toutes les localisations est chose faite : la sensation C est indissolublement liée à toutes les composantes du même système A, B…, D, unies dans une même représentation mentale. Les localisations primaires, toutes semblables à la précédente, ne sont que l’intercalation d’une sensation x entre les termes réciproquement conditionnés d’une série m, n, o… z.

Nous ne commettrons point la faute, après les avoir rejetées à plusieurs reprises, d’invoquer les observations empiriques objectives à l’appui d’une thèse sur la formation de l’idée première d’espace. Il nous suffit que ces faits, comme ceux d’anesthésie, d’hémiplégie ou de paraplégie, ne soient point en désaccord avec les conséquences de la doctrine exposée ; ils semblent plutôt la confirmer, en montrant que les sensations ne sauraient, ni par leur seule vertu, ni par leurs modes d’association entre elles, se localiser en un point donné indépendamment d’une action motrice consciente. C’est en effet cette suspension, non de la faculté innée de localiser, mais de la conscience motrice, qui caractérise les troubles fonctionnels de l’anesthésie : « Les mains privées de sensibilité ne savent plus prendre les corps, surtout s’ils sont petits, bien que le sentiment d’activité musculaire soit intact ; sans la vue de l’objet, la main ne peut le saisir et ne sait le conserver par la pression. Les malades anesthésiques ont une maladresse singulière ; s’ils veulent marcher, le pied n’a plus la sensation du sol, ou bien il leur semble qu’un tapis épais, une couche de laine ou de plume les sépare du terrain solide. Sans le secours des yeux fixant les pieds, le malade a une marche hésitante, embarrassée ou impossible, et telle qu’on pourrait croire à une paralysie musculaire qui n’existe pas[1]. »

D’après notre analyse, localiser, c’est synthétiser sous le concept d’effort une suite de sensations différenciées par la qualité, le degré, l’ordre d’apparition, mais données comme termes d’une série continue dont les rapports ne peuvent être intervertis. Actuellement, une douleur sentie en tel point, c’est une douleur rattachée à son groupe de sensations musculaires avec sentiment d’effort : primitivement un point senti, c’est un sentiment d’effort uni à un groupe dé-

  1. Voyez Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, G. Masson, article Anesthésie.