Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
8
revue philosophique

naître les forces morales et les forces légales, dans toutes leurs manifestations ; il faut pouvoir les juger ; il faut posséder des principes de discernement et d’action qui éclairent une conscience honnête et dirigent une volonté droite dans tous les conflits entre ces deux ordres de forces ; il faut savoir, en un mot, quelles limites doivent réciproquement s’imposer l’état de nature et l’état social.

Des questions très diverses peuvent être engagées dans ces nouvelles recherches, non plus sur ce qui est ou a été, mais sur ce qui doit être. D’abord des questions politiques : soit la question générale de la forme du gouvernement, soit les questions particulières concernant la conduite que doivent tenir les gouvernements pour protéger tous les intérêts, pour prévenir ou pour réprimer tous les conflits, pour assurer, sous toutes les formes, la prospérité et la paix publiques. — Puis des questions économiques : quelles règles doivent présider, soit aux efforts des particuliers, soit aux actes des pouvoirs publics, soit aux relations des États entre eux, pour développer, dans les conditions les plus sûres et les plus fructueuses, la richesse générale ? — Puis, dans un autre ordre d’idées, des questions morales : toutes ces forces qui se manifestent au sein d’une société ou dans les rapports des sociétés entre elles appellent sur elles-mêmes et sur leurs effets le jugement de la conscience ; elles demandent à être encouragées, redressées ou combattues pour favoriser dans la vie privée et dans la vie publique le progrès de la moralité générale ou en empêcher la décadence. — Enfin, des questions de droit naturel : quels droits appartiennent en propre soit aux individus, soit aux sociétés ; quels principes de justice s’imposent au respect des pouvoirs sociaux dans les limites où s’étend leur action ; quelles règles de droit, en dehors de ces limites, doivent trouver place dans l’anarchie même de l’état de nature ?


IV


Ces diverses questions doivent-elles faire l’objet de sciences distinctes ou ne sont-elles que le développement pratique d’une seule science : l’étude générale des faits sociaux, la sociologie ? Les faits sociaux exactement observés ou rigoureusement établis sont le terrain ferme et solide dont il ne faut jamais s’écarter dans la solution de ces questions. Il faut rester sur ce terrain, alors même qu’on fait intervenir des principes à priori ou des conceptions idéales. Car