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Cette découverte subite détend notre esprit et provoque le rire.

Ce spectacle, qui force notre esprit d’errer de l’une à l’autre de ces trois séries de pensées contradictoires, met en jeu son activité, dont nous avons conscience. La contrainte qu’il éprouve au premier abord, par l’impossibilité d’opérer l’accord, fait place à un caprice plein de gaieté qui nous en révèle l’harmonie.

Il y a dans le rire, ajoute Jean-Paul, un certain charme d’indécision, une sorte de chatouillement intellectuel produit par ce passage et ce balancement entre des idées contraires.

Ajoutez que la vue du minimum de raison dans autrui et le sentiment de notre sagacité constituent une situation piquante et qui nous excite agréablement. Sous ce rapport, le comique se rapproche du chatouillement physique qui, comme quelque chose de mixte, oscille entre le plaisir et la douleur. Il faut en conclure que le rire reste éternellement attaché à l’imperfection de notre nature spirituelle.

Que l’on trouve cette explication subtile, on n’en reconnaîtra pas moins la supériorité sur toutes les explications précédentes.

Telle est la théorie de Jean-Paul sur le risible et le rire. Nous ne parlons pas des distinctions subtiles qu’il établit ensuite afin d’arriver à distinguer les différents genres de comique. Il y aurait, selon lui, trois éléments dans le comique : 1o le contraste objectif, 2o le contraste subjectif, 3° le contraste sensible, qui dans l’histoire de l’art doivent, par leur prépondérance, engendrer les formes successives du comique, classique, romantique, etc., etc. Nous avons à constater et à caractériser la forme de beaucoup la plus importante, celle dont Jean-Paul est le vrai théoricien et qui prime toutes les autres, la forme humoristique.

II. Qu’est-ce que l’humour et quels sont ses caractères ?

L’humour, répond Jean-Paul, est le comique romantique. Cette définition, qui en réalité n’en est pas une, a besoin d’être expliquée. Elle l’est par les caractères que lui assigne Jean-Paul et qui, selon lui, sont au nombre de quatre : 1o la totalité humoristique, 2o la négativité infinie ou la puissance d’anéantissement (vernichtende), 3o la subjectivité absolue, 4° la figurabilité (Sinnlickeit).

Nous sommes obligés d’insister sur chacun de ces caractères, qui en réalité contiennent toute cette théorie.

1o Totalité humoristique. — L’humour, qui est le sublime renversé, n’anéantit pas le fini en lui-même, mais le fini dans son contraste avec l’idée (l’infini). Pour l’humoriste, il n’existe pas de sottise particulière, mais une sottise universelle, un monde fou. La plaisanterie ordinaire relève telle ou telle sottise ; l’humour rabaisse la gran-