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bénard. — la théorie du comique.

de la Poétique d’Aristote, sur laquelle la critique littéraire a vécu pendant des siècles et qu’elle ne cesse encore aujourd’hui de reproduire, comment, dis-je, ce problème, abandonné si longtemps aux rhéteurs et aux historiens de la littérature, négligé des philosophes des xvie, xviie et xviiie siècle, avait fini par entrer, à la fin du siècle dernier, dans le cadre de la science du beau, nouvellement émancipée, sinon constituée. Mais, s’il y prend place, c’est sans attirer beaucoup l’attention des représentants de cette science et être de leur part l’objet de recherches sérieuses. On ne soupçonne ni son importance, ni sa complexité, ni ses rapports avec les autres problèmes, ni les difficultés qui l’environnent, ni la vaste étendue de ses applications.

Aucun de ceux qui le traitent comme en passant ne songe à l’approfondir et, pour la résoudre, à se servir d’une méthode sévère et rigoureuse. Plus tard, une grande révolution s’accomplit dans le monde de la pensée : la critique philosophique est née. Les plus hauts problèmes de la raison sont agités et résolus dans le sens de cette nouvelle méthode ; mais le problème particulier dont il s’agit, d’une nature d’ailleurs très restreinte, avait trop peu figuré dans les controverses antérieures, la plupart roulant sur des objets métaphysiques, pour attirer beaucoup l’attention du grand penseur qui fut l’auteur de cette réforme. C’est comme par hasard dans un coin perdu de l’une de ses Critiques qu’il le rencontre sur son chemin et le traite d’une manière épisodique. Il ne dépose pas moins sur lui la forte empreinte de son génie. La question du rire et du comique reçoit de lui une impulsion féconde. Elle sort de la banalité superficielle qui jusqu’ici l’avait enveloppée. Ses diverses faces apparaissent déjà comme distinctes, mais devant être étudiées dans leur rapport et leur réciprocité. Sans entreprendre à fond cette étude, il se contente de marquer la voie et laisse cet examen à ses successeurs. Ses disciples immédiats, il est vrai, ne comprennent guère cette nécessité d’aller plus avant que lui ; sa méthode sur ce point reste stérile entre leurs mains. Il n’en est pas de même des esprits supérieurs qui viennent après lui et qui à leur tour élèvent de nouveaux systèmes. Leur pensée puissante continue à remuer dans leur étendue et leur profondeur métaphysique toutes les hautes questions que lui-même avait résolues et dont la solution définitive est le subjectivisme. Or il se trouve que l’idéalisme subjectif de Fichte, issu du kantisme et qui en est la rigoureuse conséquence, recèle dans son sein un corollaire très légitime qui, dans la région toute pacifique de l’art, n’est autre que le comique, ou du moins cette forme du comique qui s’appelle l’humour ou l’ironie divine. C’est cette ironie supérieure qui, se