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a. binet. — de la fusion des sensations semblables

plus petits sous l’influence de l’habitude et de l’attention, de sorte que deux pointes de compas peuvent tantôt provoquer une impression unique, tantôt en provoquer deux, avec le même écart et sur la même région de la peau. Si un cercle de sensation correspondait au domaine d’une seule fibre, ce serait une grandeur invariable, et ni l’attention ni l’habitude ne pourraient la modifier. Enfin il est un fait plus concluant que tous les autres : c’est que si l’on dessine sur l’avant-bras d’une personne deux cercles de sensation, et qu’on place les deux pointes du compas l’une dans un cercle, l’autre dans l’autre, en les rapprochant le plus possible, la personne en expérience ne percevra qu’une sensation ; pour qu’elle en perçoive deux, il faut que les deux pointes de l’instrument soient séparées par le diamètre d’un cercle tout entier. S’il était vrai que chaque cercle fût desservi par une fibre spéciale, il aurait suffi que les deux pointes fussent placées dans deux cercles différents pour que la personne les sentit toutes les deux. Je ne rappelle ces faits que pour mémoire : vous les trouverez partout.

On doit à Henri Weber une seconde hypothèse, connue sous le nom de théorie des champs nerveux. Voici en quoi elle consiste. On observe que, pour que deux sensations du toucher soient perçues d’une façon distincte, il faut qu’il existe entre les deux points de la peau qu’on excite un certain espace, un certain nombre de ramifications nerveuses, un champ nerveux. Ce qui est nécessaire à la perception distincte de deux sensations, ce n’est pas que l’excitation soit portée dans deux cercles de sensation différents ; il faut encore qu’il existe une distance déterminée entre les deux points excités. Pourquoi en est-il ainsi ? C’est, dit-on, parce que deux choses ne peuvent être distinguées que si quelque chose les sépare. L’excitation de deux fibres nerveuses ne peut produire deux impressions distinctes que si ces deux fibres sont séparées par des éléments nerveux non impressionnés. Ces éléments, dont le rôle est d’espacer les deux sensations, sont représentés par l’écart des deux pointes de compas.

Il est difficile de réfuter une théorie aussi vague ; essayons-le pourtant. On nous dit que c’est le champ nerveux non excité qui fait naître dans notre esprit l’idée de deux sensations espacées entre elles, et par conséquent doubles. Comment est-ce possible ? Du moment qu’un ensemble de fibres nerveuses n’est pas impressionné, il est pour la conscience comme s’il n’existait pas. Le fait est certain. D’autre part, nous ne pouvons avoir une idée de la distance qui sépare les deux points de la peau qui ont été excités que si nous recourons au sens musculaire ; nous avons le sentiment d’un espace