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OBSERVATION POUR SERVIR

À LA PSYCHOLOGIE ANIMALE



Un des premiers jours du mois de janvier 1874, j’étais à la chasse sur les confins de l’Ille-et-Vilaine et du Morbihan, avec deux compagnons : un jeune homme et un garde particulier. Vers le soir, nous suivions tous les trois un chemin creux, borné à droite par une lande, à gauche par un grand champ de blé qui s’étendait jusqu’à une prairie de deux hectares environ ; au milieu de cette prairie se trouvait ce qu’on appelle dans le pays un broussis, c’est-à-dire une surface de quelques ares couverte de petits arbres et de buissons qui forment un enchevêtrement inextricable. La prairie séparait ces broussailles d’un grand bois ; le lecteur comprendra bientôt l’importance de ces détails d’une topographie minutieuse.

Nos deux chiens, l’un tout jeune et faisant sa seconde campagne, l’autre vieux routier, mais encore vigoureux, battaient la lande à notre droite, le jeune fort loin de nous, le vieux à moins de cent mètres du chasseur, suivant son habitude. Tout à coup, au bruit de nos pas sur les pierres du chemin, trois perdrix se lèvent dans le champ de blé : les deux premières se jettent à gauche, hors portée, la troisième file droit devant elle dans la direction du bois. Mon jeune compagnon la tire, elle tomhe ; mais, n’ayant que le bout de l’aile coupé, elle prend aussitôt sa course à travers les sillons, passe sur la prairie et gagne les broussailles ou la compagnie, parait-il, se remisait souvent. Les deux chiens avaient entendu le coup de fusil ; le vieux chien, qui se trouvait plus près, arrive le premier et prend aussitôt la piste. Il la suit sans hésiter à travers le champ de blé et la prairie ; arrivé aux broussailles, dans lesquelles le garde, monté sur le talus du chemin, avait vu la perdrix entrer, il s’arrête brusquement. Cependant l’herbe humide et fraîche de la prairie lui renvoyait à plein nez le fumet de la bête. Pourquoi ne cédait-il pas aux suggestions de son odorat, à l’instinct qui ne connaît pas d’autre règle que la sensation ? Un enfant, un jeune chasseur se fût jeté dans le taillis ; mais Tom avait de l’expérience et du sang-froid. Il fit, au petit galop, le tour des broussailles, le nez contre terre, pour s’assurer que la perdrix était bien restée là ; puis,