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coup le principe de transformation. Le malheur est que de deux formes soi-disant généalogiques les darwiniens ne peuvent dire quelle est la primordiale, quelle est la dérivée ? Est-ce le chien qui est issu du renard, le hêtre du chêne, ou le contraire ? Ni l’un ni l’autre, répondent les transformistes ; ils préfèrent imaginer une forme ancestrale commune ; c’est ainsi que, pour ne point dériver l’homme d’aucun singe actuellement existant, du gorille par exemple, les adeptes de la théorie pithécoïde aiment mieux imaginer un ancêtre primitif de l’homme et du singe. Mais que savez-vous de ces formes ancestrales ? — Elles sont éteintes, et leurs débris dispersés.

Mauvaise défaite. « Cette forme ancestrale commune, du moment où elle a vécu comme animal ou comme plante d’une façon indépendante, ne peut pas n’avoir eu en partage que le caractère commun des deux descendants et s’être comportée avec une entière indifférence à l’égard des marques distinctives et s’excluant réciproquement de ceux-ci. En tant que chose concrète, elle a été nécessairement conformée ainsi qu’il convient à un genre ou à une espèce. Or une telle forme si nettement spécifiée ne serait pas moins en opposition avec ses descendants, que ceux-ci entre eux. » Nous voilà ramenés au cas de tout à l’heure.

Est-il donc vrai que toute concordance entre plusieurs formes doit s’expliquer par la communauté de descendance. Rien n’empêche que deux formes tiennent tout aussi bien leurs points de ressemblance d’une même cause commune agissant sur des individus d’ailleurs indépendants les uns des autres et d’habitats différents. Ceci nous explique peut-être pourquoi Darwin n’a pu donner même l’arbre généalogique du pigeon. Au lieu de classer les groupes organiques suivant un arbre généalogique, il est tout aussi simple de se représenter ce classement sous la forme d’un « système tourbillonnaire » (Stromsystem) ou d’une série de cercles se circonscrivant les uns les autres.

Supposé qu’on l’admît, le principe généalogique n’expliquerait pas la diversité des rapports de ressemblance que l’observation nous découvre entre plusieurs groupes coordonnés. Considérez l’hypothèse d’après laquelle l’homme serait issu du rameau commun des singes anthropoïdes. L’homme, en fait, ressemble davantage au chimpanzé par la forme du crâne et des dents, au gorille par ses extrémités, à l’orang par la conformation du cerveau. Comment le principe généalogique expliquera-t-il ces faits, l’homme ne pouvant avoir à la fois trois sortes d’ancêtres ? Soit le cas où l’homme serait un rameau indépendant, coordonné à tout le rameau des singes et issu avec le dernier de la souche commune des primates ; alors les affinités diverses du singe et de l’homme ne peuvent plus être expliquées généalogiquement. Le principe de la ressemblance et de la différence des groupes organiques, conclut Wigand, doit être « une loi intérieure de développement d’après un plan défini ».

La hiérarchie des formes, selon le darwinisme, résulte d’une loi de transformation graduelle qui fait passer les types inférieurs aux types