Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/322

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
312
revue philosophique

ganismes préexistants. Omne vivum ex ovo. « Dès lors : ne sommes-nous pas autorisés à supposer avec une extrême vraisemblance que cette loi d’expérience générale s’applique également à la succession chronologique des formes différentes ? n’est-il pas naturel en conséquence d’admettre que ces êtres issus d’inférieurs par voie de génération sont redevables de leurs propriétés à leurs parents, et que, si la conformité de structure des descendants s’explique par l’hérédité, leurs dissemblances doivent aussi avoir leur raison déterminante dans les dispositions propres à la forme parentale ? » Ceci accordé, le monde organique devient à nos yeux un tout continu, et le principe de causalité est satisfait. C’est cette manière de concevoir le règne organique qu’on appelle la « théorie de la descendance », la « doctrine généalogique » ou la ï théorie de l’évolution ». Il convient cependant de ne pas oublier que tout cela n’est qu’une spéculation. La doctrine transformiste et la théorie darwinienne de la sélection ne doivent pas être identifiées avec l’hypothèse générale de la descendance ; elles n’en sont que des formes particulières.

Sur le second point, — dans quelle mesure Wigand adhère à la théorie de la descendance, — laissons parler l’auteur lui-même : « En dehors de cette transmutation graduelle imaginée par Darwin, la relation réelle des formes organiques se conçoit bien plutôt comme le résultat d’une « frappe » soudaine ou d’une « génération hétérogène », ainsi que par analogie de la tige informe du cactus sort la fleur multicolore aux nombreuses étamines, ou comme le papillon naît de la chenille, pareil à une créature nouvelle et bien plus élevée issue d’un substrat grossier. Maintenant cette frappe organique peut s’accomplir ou bien au sein de la forme toute constituée, comme l’ont admis Heer, Kölliker. Baer, A. Braun et d’autres, ou dès sa phase de développement tout à fait primitive, chez la première cellule de l’individu, ainsi que je l’ai exposé sous ce titre : « Généalogie des cellules primordiales », conception qui répond aussi bien que possible aux faits. »

En deux mots, Wigand, tout en adhérant à l’idée de la descendance généalogique des espèces, ne veut pas être confondu avec les transformistes : il est hétérogéniste.


IV. — Les motifs, la signification morale et religieuse du darwinisme.

Il serait vain d’entamer une controverse avec notre auteur sur ces considérations, selon nous étrangères au sujet étudié. L’honorable botaniste de Marbourg, dont l’esprit philosophique est d’une rare sagacité, eût dû ne pas oublier que le promoteur du mouvement philosophique moderne, Kant, a depuis un siècle formellement séparé le domaine de la métaphysique et de la science et celui de la « croyance » morale ou religieuse.