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quelque avantage s’il se contente d’être critique, c’est-à-dire de nier la légitimité des preuves du théisme. Il lui est toujours permis de soutenir contre celui-ci que la matière en soi, nous étant inconnue, peut être douée de propriétés, inaccessibles à l’observation directe ou à l’induction et capables de produire des effets dont l’hypothèse d’un Dieu créateur nous paraît seule pouvoir rendre compte.

M. Flint se trouve ainsi amené à discuter la thèse matérialiste. Il consacre deux leçons à l’histoire rapide et substantielle de ce système depuis l’antiquité jusqu’à nos jours. La 4e leçon (65 pages) contient l’exposition et la réfutation du matérialisme contemporain ou scientifique. Signalons brièvement les arguments les plus nouveaux. D’abord, le matérialisme ne satisfait pas, comme il le prétend, le besoin d’unité essentiel à la raison : il n’est pas et ne saurait être un monisme-, il est nécessairement un multitudinisme. Un seul élément matériel, absolument simple, sera éternellement impuissant à en produire un autre. Aussi les matérialistes ont-ils généralement admis l’existence primordiale d’un nombre infini d’atomes. Sous cette forme, l’objection ne nous paraît pas sans réplique ; car, peut-on répondre, ce que demande la raison, c’est plutôt l’unité générique que l’unité numérique de principes. La séduction des deux systèmes opposés, matérialisme, idéalisme, vient de ce qu’ils résolvent dans l’unité substantielle la dualité phénoménale de la matière et de l’esprit. Mais il reste toujours l’impossibilité de concevoir un nombre actuellement infini d’atomes, ou, si ce nombre est fini, d’assigner une raison qui explique pourquoi il n’est ni plus grand ni plus petit.

En second lieu, le matérialisme ne rend pas compte de la relation qui existe entre la matière et la force. Celle-ci est-elle le produit de celle-là ? Mais une matière primitivement dénuée de force, qui donnerait naissance à la force, serait une cause à qui manquerait le pouvoir nécessaire pour être une cause. La matière est-elle au contraire l’effet de la force ? Pour rester conséquent avec lui-même, le matérialisme doit admettre que cette force est purement physique. Comme telle, elle est nécessairement unie à une manifestation matérielle et doit être aussi divisible, aussi multiple que la matière qui la manifeste ; on revient à l’hypothèse atomistique : l’unité de principe s’évanouit. Veut-on enfin que la matière et la force soient inséparables, coordonnées, coéternelles ? Ce n’est plus alors le multitudinisme, mais le dualisme, et, dit très bien le professeur Calderwood, cité par M. Flint, « la difficulté du problème, pour le matérialisme, s’accroît, loin de diminuer, quand on assigne à l’univers une dualité d’origine en ajoutant la force à la substance matérielle. La dualité d’existence, avec la coéternité de durée, suffit à elle seule pour rendre impossible toute solution logique. Cette dualité d’existence implique une diversité de nature et une restriction mutuelle, et ces deux choses, diversité et limitation, soulèvent de nouveau le problème qu’elles semblaient devoir résoudre. L’explication, à son tour, a besoin d’être expliquée. De plus,