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REVUE DES PÉRIODIQUES ÉTRANGERS




ZEITSCHRIFT FUER VOLKERPSYCHOLOGIE UND SPRACHWISSENSCHAFT


Xle volume, 1879. 1re, 2e, 3e, 4e livraisons. — XIIe vol. 1880. 1re livraison.

O. Fluegel : Das Ich im Leben der Völker (1re partie).

Le moi est la chose dont on parle le plus et qu’on connaît le moins ; et Herbart a pu dire : « Qu’est-ce que mon moi ? L’homme ordinairement ne se pose pas cette question, car il croit se très-bien connaître. » En tout cas, la première réponse qu’il est tenté d’y faire, c’est d’identifier son moi et son propre corps. « Ce n’est, remarque encore justement le même philosophe, qu’aux esprits très cultivés que le corps apparaît comme un pur accident en regard de la personnalité véritable. L’homme sépare difficilement son moi de son corps : ce qui le prouve, ce sont les dispositions que l’on prend fréquemment en vue de la mort : on fait savoir que l’on veut être enterré en tel endroit et de telle manière. » Aux yeux de celui qui confond la personne et le corps, la vie et la mort ne sont que des changements d’état de l’individu, comme le sommeil et la veille. Tel est le sentiment des enfants et celui de bon nombre de sauvages. À leurs yeux, le mort n’est qu’endormi, et est traité en conséquence. On conserve précieusement le corps : on le protège contre les bêtes féroces. Si des races inférieures, comme les Cafres, abandonnent le cadavre aux animaux, c’est qu’elles croient que l’âme du mort revivra dans un corps d’animal : aussi considère-t-on chez elles comme un grand bonheur d’être dévoré par un lion ou un léopard. Ce n’est pas seulement le corps, mais son image même qui est identifiée avec le moi. Certains nègres trouvent dangereux de laisser faire leur portrait ; ils craignent qu’on ne leur enlève par ce moyen une partie de leur moi. D’autres, qui refusaient d’admettre que les femmes aussi ont une âme, reconnaissaient leur erreur en voyant que les femmes peuvent être photographiées comme les hommes. La croyance à la résurrection de la chair, en vertu de laquelle les Péruviens s’appliquaient avec un soin religieux à conserver jusqu’au dernier jour les ongles et les cheveux des Incas, n’est pas la manifestation la moins surprenante de l’opinion qui confond la personnalité de l’individu avec son corps. — De cette manière de voir découle naturellement la