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g. lyon. — un idéaliste anglais au xviiie siècle.

sera montrée bien partiale : pour le premier, la gloire ; pour le second, l’oubli ; pour le dernier, une ironie dédaigneuse.

C’est du dernier que nous allons retracer la vie et résumer les travaux.


II


Arthur Collier naquit, en 1680, de parents modestes et respectés, qui n’avaient point traversé sans souffrir les épreuves d’une révolution à la fois politique et religieuse. Son père était recteur de Langford Magna, dignité héréditaire dans la famille, depuis plusieurs générations, et dont il devait lui-même un jour être investi. Ce bénéfice n’apportait point la fortune ; mais il préservait de la pauvreté.

De la jeunesse de Collier nous ne savons que fort peu de chose. De bonne heure adonné aux études sévères, il dépassa bien vite son frère William en science, sinon en piété. Les ouvrages de Malebranche excitèrent d’abord sa curiosité, et, bien longtemps avant d’avoir composé le livre où il devait resserrer en des termes concis et sévères les idées mêmes que Berkeley allait exposer avec une élégante abondance, le jeune méditatif s’était fait sa foi. Comme le maître qu’il s’était choisi, il proclamait que le monde et les beautés dont il brille sont « un monde et des beautés intelligibles ». Sa conviction bien arrêtée, il s’essaya plusieurs fois à traiter par écrit du sujet qui lui tenait à cœur, pratiquant déjà lui-même le conseil que plus tard il donnera si volontiers à ses lecteurs mondains, peu rompus aux exercices de la dialectique, rebutés peut-être par les âpres abords d’une doctrine dont la première vue les avait séduits. Il leur recommandera de ne point s’arrêter aux apparentes bizarreries du système, d’en affronter courageusement les difficultés, d’en répéter de vive voix les données, d’en commenter par écrit les conclusions. En 1712, il ébauche deux traités, dont le second, la Clavis philosophica, n’est autre chose qu’une miniature de son ouvrage définitif. Enfin, en 1713, paraît la Claris universalis, à laquelle il donne ce hardi sous-titre : « Nouvelle recherche de la vérité, consistant dans la démonstration de la non existence ou de l’impossibilité d’un monde extérieur. » Quatre années avant, Berkeley avait fait paraître son Essai sur une nouvelle théorie de la vision.

Nous ne savons trop quel retentissement obtint la publication du livre. Les moyens de communication, en Angleterre surtout, étaient, à cette époque, des plus restreints. Un long temps était nécessaire pour édifier une renommée, et les sujets arides dont traitait l’ouvrage nouveau n’avaient pas plus alors que de nos jours le don de pas-