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h. marion. — le nouveau programme de philosophie

jamais réellement lus par les élèves, encore moins expliqués en classe. Il y avait à cela impossibilité matérielle. Des ouvrages de seconde main (parmi lesquels il en était de fort bons) offraient aux élèves des analyses toutes faites et les dispensaient de recourir à l’original. Ils s’épargnaient cette peine avec d’autant moins de scrupules que, par une note du programme, insérée là à propos des auteurs latins et grecs, ils étaient expressément autorisés à avoir aussi peu de commerce qu’ils voudraient avec les textes eux-mêmes, pourvu qu’ils en connussent à peu près le contenu. — L’occasion s’est offerte d’elle-même de rompre avec cet état de choses. Dans a section de permanence, durant les débats préparatoires sur la réforme classique, les défenseurs du grec, obligés de consentir à ce que l’étude de cette langue ne commençât plus dès la sixième, avaient demandé et obtenu en compensation qu’elle se continuât en philosophie. Le projet soumis au Conseil portait donc primitivement cinq heures de grec dans la classe de philosophie. La mesure était très inquiétante ; car, soit que ces grandes explications d’auteurs grecs fussent faites par le professeur de philosophie lui-même ou par un professeur spécial de littérature ancienne, de toute manière les études proprement philosophiques perdaient une partie très notable de leur importance dans la classe, du temps et de l’attention des élèves. Les délégués de la philosophie, quelque respect et quelque sympathie qu’ils eussent personnellement pour le grec, ne pouvaient donc manquer de signaler ce grave inconvénient. Il est juste de dire que, à peine indiqué dans la commission des réformes, il a frappé tout le monde. D’autre part, personne ne pouvait songer à prendre la défense de la note dont je parlais tout à l’heure, qui, en dispensant les élèves de lire les auteurs dans leur langue, semble les inviter à oublier les langues classiques dès qu’ils entrent en philosophie. Tout professeur se réjouira au contraire d’avoir à faire expliquer de près quelques pages de Platon et d’Aristote ; et pourvu que ces pages ne soient ni trop nombreuses ni trop difficiles, pourvu qu’on ait véritablement le temps de les étudier et de les goûter, il n’est pas un élève digne d’intérêt qui ne préfère ce travail intelligent à la sotte besogne d’apprendre des analyses faites par d’autres. Quant au profit philosophique, il ne peut à coup sûr être moindre, et il sera sans doute infiniment plus grand, rien ne pouvant valoir, pour former l’esprit, le contact des textes originaux, le commerce direct des maîtres de la pensée.

Ainsi donc, tout en conseillant et indiquant le plus grand nombre possible de lectures (car il va de soi que les lectures personnelles seront plus que jamais encouragées), on expliquera en classe six