Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/461

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
451
h. spencer. — les institutions politiques.

allons examiner les effets politiques de la théorie animiste ; et, s’il existe une raison d’affirmer que cette croyance a été un adjuvant indispensable de l’évolution sociale, nous devons sans hésiter accepter cette conclusion.

La connaissance des misères que les luttes des peuples ont causées partout, durant des siècles sans nombre, ne doit pas nous empêcher de reconnaître le rôle prééminent que ces luttes ont joué dans la civilisation. Si nous devons éprouver de l’horreur à la vue du cannibalisme qui a été dans le monde entier, dans les premiers temps, une conséquence de la guerre ; si nous frissonnons à l’idée des hécatombes de prisonniers qui ont été faites des myriades de fois à la suite des batailles que se livraient les tribus sauvages ; si nous lisons avec dégoût l’histoire de ces pyramides de tètes et d’ossements blanchis de populations massacrées qu’ont dressées des envahisseurs barbares, si nous devons haïr l’esprit militaire, qui de nos jours encore inspire les trahisons et les agressions brutales, ce n’est pas une raison pour que nous laissions nos sentiments nous aveugler sur la valeur des preuves qui s’offrent à nous en faveur de l’influence favorable exercée par les conflits sociaux sur le développement des organes sociaux.

Notre aversion pour des gouvernements de certains genres ne doit pas davantage nous empêcher de voir qu’ils sont appropriés à leurs circonstances. Encore que nous rejetions l’idée que le vulgaire se fait de la gloire, et que nous refusions d’accorder, à l’exemple des soldats et des écoliers, l’épithète de grand aux despotes conquérants, et que nous détestions le despotisme ; encore que nous regardions le sacrifice qu’un despote fait de ses propres peuples et des peuples étrangers à son but de domination universelle, comme des crimes énormes ; il nous faut pourtant reconnaître les heureux résultats qui naissent de temps en temps des empires qu’ils édifient par la consolidation de plusieurs sociétés en une seule. Ni les massacres ordonnés par les empereurs romains, ni les assassinats auxquels les potentats de l’Orient ont recours pour se débarrasser de leurs parents, ni les exactions excessives des tyrans, qui appauvrissent des nations entières ne doivent nous influencer jusqu’à nous empêcher d’apprécier les avantages qui ont, dans certaines conditions, été les fruits de la puissance illimitée d’un souverain. Le souvenir des instruments de torture, des oubliettes, des victimes emmurées, ne doit pas cacher à notre esprit la preuve que l’abjecte soumission du faible au fort, quoique imposée sans scrupule, a été, en certains temps et en certains lieux, nécessaire. Il en est de même d’une autre conséquence de la guerre, le droit de propriété d’un homme sur un autre. Il faut