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ch. richet. — du somnambulisme provoqué

On voit qu’on est forcé d’avoir recours à toute une longue série d’hypothèses presque vraisemblables, mais qui ne sont cependant que de pures hypothèses.

Depuis les premières expériences de J. Braid, beaucoup d’expérimentateurs ont pu reproduire l’état hypnotique en faisant fixer un objet brillant. Les poules, les cochons d’Inde à qui l’on met de la craie ou un cristal devant les yeux ne tardent pas à éprouver des symptômes assez analogues au sommeil.

Chez les hystériques de la Salpêtrière, on provoque un accès de somnambulisme en faisant briller soudain une vive lumière. En projetant par exemple un faisceau de lumière électrique sur les yeux de G…, immédiatement elle tombe en état de somnambulisme. Le phénomène n’est pas différent peut-être du phénomène qu’on observe chez ceux qui regardent pendant cinq minutes une boule de cristal. Ce qui diffère, c’est la réceptivité du sujet. Par suite de son état hystérique, par suite aussi peut-être des nombreuses tentatives faites antérieurement, G… est devenue d’une extrême sensibilité à des actions qui sur d’autres personnes resteraient inefficaces.

Une expérience que j’ai faite bien souvent sur moi montre que la fixation du regard sur un objet brillant agit peut-être moins par l’éclat de l’objet que par la fixation du regard. Souvent, la nuit, alors qu’il n’y a aucune lumière dans la chambre, et que je suis dans mon lit à attendre le sommeil, j’emploie pour m’endormir un procédé fort simple et qui me réussit presque toujours. Je fixe dans l’espace un point imaginaire, et je le regarde obstinément, tout en fermant les paupières. Bientôt je vois apparaître des raies fines dont l’ensemble fait comme un petit damier qui chemine lentement devant l’œil. À ce damier succède un point plus éclairé que je fixe attentivement, et qui me paraît jaune d’abord et circulaire. Ce rond jaune se déplace, se transforme rapidement, pour prendre des apparences changeantes, comme la forme des nuages amoncelés dans le ciel est modifiée incessamment par les vents. À mesure que les formes changent, elles semblent devenir plus confuses : ce sont des figures humaines, des objets fantastiques, qui passent, changent, reviennent, disparaissent. Cependant l’attention engourdie les discerne de moins en moins. Le souvenir en est de plus en plus confus. Il n’y a pas dans cette procession de formes de dernière image. La conscience du monde extérieur disparaît peu à peu, et le sommeil arrive progressivement. Toutes les formes vont s’éteignant dans la mémoire, à mesure qu’elles deviennent plus mobiles et plus fantasques.

Certes, entre le sommeil ordinaire et le somnambulisme, il y a de notables différences. On ne peut nier cependant l’analogie de ces