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portance est bien autrement considérable : Par quoi sommes-nous déterminés à appliquer notre concept de causalité nécessaire aux séries de phénomènes ? Pourquoi l’appliquons-nous à telle série et non pas à telle autre ? C’est contre cet écueil que se brisent, suivant M. Wundt, les deux théories opposées.

L’association et l’habitude de Hume et de Mill sont des conditions psychologiques générales du concept de causalité. Il est évident que, pour former des liaisons causales, il faut avoir d’abord le pouvoir de lier ou d’associer les représentations qui correspondent aux phénomènes externes. L’habitude ou l’attente des phénomènes à venir, étant donné tel phénomène présent, est un autre moyen psychologique de former ces liaisons. Mais pourquoi n’appelons-nous pas causales et nécessaires toutes les séries de phénomènes que nous sommes habitués à voir associées ? La réponse est sans doute que d’autres conditions doivent s’ajouter à l’association et à l’habitude pour déterminer l’application du concept de causalité nécessaire. C’est ce que Stuart Mill a fort bien senti, lorsque, pour suppléer à l’insuffisance de l’association, il a eu recours à un principe subjectif, de nature purement logique, la « tendance à la généralisation. » Seules les séries susceptibles de généralisation seraient causales et nécessaires. Mais alors la source de la nécessité causale n’est plus ni dans l’habitude ni dans l’association, puisque les séries de phénomènes que nous avons l’habitude d’associer ne sont pas toutes causales et nécessaires. S’il est, chez Mill, un principe qui rende compte de la causalité nécessaire, ce n’est ni l’association ni l’habitude, c’est le principe tout logique de la généralisation, que le philosophe anglais avait seulement invoqué comme condition accessoire.

L’apriorisme, de son côté, ne donne guère une solution plus satisfaisante au problème que nous examinons. Kant se sert, pour expliquer la nécessité des liaisons causales, d’un concept à priori de cause. Mais il reste encore à déterminer les critères qu’une série de phénomènes doit présenter pour permettre l’application de ce concept. Car le simple fait d’une liaison dans le Temps et dans l’Espace ne suffit nullement pour la justifier ; la philosophie de l’association, elle-même, est obligée de le reconnaître. Or, pour trouver les critères demandée, il faut nécessairement s’adresser à l’expérience. Seule l’expérience décidera donc si une série de phénomènes est causale ou ne l’est pas. L’hypothèse d’une catégorie à priori devient dès lors assez inutile. Elle ne serait justifiée que si elle permettait de rendre compte et des circonstances où une série peut être réputée causale, et du caractère de nécessité d’une telle série. Mais pourquoi l’application d’un concept à priori aux séries de phénomènes, sous cer-