Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/515

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
505
th. ribot. — les désordres partiels de la mémoire.

Au bout de quelques minutes, je le priais de faire ce geste. Il réfléchissait, et le plus souvent il lui était impossible de reproduire cette mimique si simple. »

En résumé, nous voyons que l’amnésie des signes descend des noms propres aux noms communs, de là aux adjectifs et aux verbes, puis au langage des sentiments et aux gestes. Cette marche destructive ne va pas au hasard, elle suit un ordre rigoureux : du moins organisé au mieux organisé, du plus complexe au plus simple, du moins automatique au plus automatique[1]. Ce qui a été dit précédemment en établissant la loi générale de réversion de la mémoire pourrait être répété ici ; et ce n’est pas l’une des moindres preuves de son exactitude que de la voir se vérifier pour le cas d’amnésie partielle le plus important, le plus systématique, le mieux connu.

Il y aurait encore lieu de procéder ici à une contre-épreuve. Lorsque l’amnésie des signes a été complète et que leur retour se fait progressivement, a-t-il lieu dans un ordre inverse à celui de leur disparition ? Ce cas est rare. Je trouve cependant une observation du Dr Grasset où un homme est atteint « d’une impossibilité complète de traduire sa pensée soit par la parole, soit par l’écriture, soit par les gestes. Dans les jours suivants, on vit reparaître successivement et peu à peu la faculté de se faire comprendre par gestes, puis par la parole et l’écriture[2]. » Il est très probable que l’on trouverait d’autres exemples de ce genre, si l’attention des observateurs était fixée sur ce point.


III


Jusqu’ici, notre étude pathologique a été limitée aux formes destructives de la mémoire ; nous l’avons vue s’anéantir ou diminuer. Mais il y a des cas tout contraires où ce qui paraissait anéanti ressuscite et où de pâles souvenirs reprennent leur intensité.

Cette exaltation de la mémoire, que les médecins appellent l’hypermnésie, est-elle un phénomène morbide ? C’est tout au moins une anomalie. Si l’on remarque en outre qu’elle est toujours liée à quelque désordre organique ou à quelque situation bizarre et insolite, on ne mettra pas en doute qu’elle rentre dans notre sujet. Son étude est moins instructive que celle des amnésies ; mais une mono-

  1. Il est remarquable que beaucoup d’aphasiques qui ne peuvent plus écrire sont encore capables de signer.
  2. Revue des sciences médicales, etc., 1873, t. II, p. 684.