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th. ribot. — les désordres partiels de la mémoire.

destructible ; que l’impression, même la plus fugitive, peut toujours à un moment donné être ravivée ? Plusieurs auteurs, surtout Maury, ont donné à l’appui de cette thèse des exemples frappants. Cependant à qui soutiendrait que, même sans causes morbides, il y a des résidus qui disparaissent, on n’aurait pas de raison péremptoire à opposer[1]. Il est possible que certaines modifications cellulaires et certaines associations dynamiques soient trop instables pour durer. En somme, on peut dire que la persistance est, sinon la règle absolue, au moins la règle ; qu’elle embrasse l’immense majorité des cas.

Quant au mode suivant lequel ces souvenirs lointains sont conservés et reproduits, nous n’en savons rien. Je ferai seulement remarquer comment cela peut se concevoir dans l’hypothèse qui a été adoptée tout le long de ce travail. Si l’on admet comme substratum matériel de nos souvenirs des modifications de cellules et des associations dynamiques entre elles, il n’y a pas de mémoire, si chargée de faits qu’on la suppose, qui ne puisse suffire à tout garder : car, si les modifications cellulaires possibles sont limitées, les associations dynamiques possibles sont innombrables. On peut supposer que les anciennes associations reparaissent quand les nouvelles, désorganisées temporairement ou pour toujours, leur laissent le champ libre. Le nombre des reviviscences possibles ayant beaucoup diminué, les chances augmentent en proportion pour le retour des associations les plus stables, c’est-à-dire les plus anciennes. Je ne veux pas insister au reste sur une hypothèse non vérifiable : mon but est de m’en tenir à ce qu’on peut savoir et de n’en pas sortir[2].


IV


Nous ne pouvons terminer ce travail sans dire quelques mots des causes. Il ne s’agit naturellement que des causes immédiates, orga-

  1. Voir l’article de M. Delbœuf dans la Revue du 1er février 1880.
  2. Il est impossible de rapporter à aucun des types morbides qui précèdent une illusion d’une nature bizarre peu fréquente ou du moins rarement observée puisqu’il n’en existe que trois ou quatre cas authentiques et qui n’a reçu jusqu’ici aucune dénomination particulière. Wigan l’a appelée assez improprement une double conscience, Sander une illusion de la mémoire (Erimerungtauschung). D’autres lui ont donné le nom de a fausse mémoire », qui me paraît préférable. Elle consiste à croire qu’un état nouveau en réalité a été antérieurement éprouvé, en sorte que lorsqu’il se produit pour la première fois il paraît être une répétition. Je ne pourrais, sans étendre outre mesure les limites de cet article, traiter cette question en détail : je me propose d’y revenir ailleurs.