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p. tannery. — l’éducation platonicienne.

pour deux siècles ; le sujet ne fut épuisé que par Apollonius de Perge, et ce ne fut qu’après lui que l’on put définitivement distinguer la classe des questions que les coniques suffisent à résoudre (problèmes solides des classiques), et l’ensemble de celles qui sont d’un ordre encore plus élevé. Les travaux relatifs aux coniques, en y comprenant les théories préparatoires à leur étude, formèrent ce qu’on appela le τόπος ἀναλυόμενος, d’après le nom de la méthode géométrique suivant laquelle ils avaient été poursuivis, et dont l’invention est unanimement attribuée à Platon par les témoignages de l’antiquité.

De cette géométrie supérieure, de cette analytique ancienne, nous n’avons que des débris ; mais ils suffisent heureusement pour permettre de reconstituer par la pensée le monument complet, qui fut le grand œuvre de cet âge héroïque de la science, et auquel chacun apporta sa pierre. Ce qu’il en reste n’est guère plus utilisé par nous, car le génie de Descartes a pu doter l’analyse moderne d’un outil plus commode que celui manié par les anciens ; mais, toute proportion gardée entre les états de la science à un intervalle de vingt siècles, Platon n’a pas donné une moindre preuve de valeur spéculative, quand il rêvait d’avance et pressentait le glorieux achèvement de l’édifice dont on jetait seulement les fondements, et trop lentement à son gré. Qu’il eût d’ailleurs pleine conscience de sa valeur, on le voit au langage singulier qu’il emploie pour parler d’une direction scientifique dont il se sentait digne, et qu’au moins après la mort d’Eudoxe (v. 357 av. J.-C), et dans les limites où cette direction est possible, il a exercée sans conteste sur les géomètres de son temps.


III. — Digression sur un passage de l’Epinomis.

Nous ne pourrions faire comprendre exactement le vrai point de vue auquel se plaçait Platon pour considérer la géométrie dans son ensemble si nous n’insistions pas sur l’unité fondamentale qu’il aperçoit entre les sciences distinguées par sa classification.

L’arithmétique traite des nombres entiers ou au moins commensurables ; son objet est au plus haut degré d’abstraction. Si l’on veut amener au même point celui de la géométrie en le détachant de la figuration visible et des hypothèses que réclame celle-ci, on reconnaît l’introduction d’une notion nouvelle, celle de relations incommensurables. Si le terme moderne de nombre incommensurable ne peut se traduire en grec sans une contradiction in adjecto, le con-