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faut qu’il le soit en quelque manière et qu’il le fasse. Sa certitude complète est personnelle, elle est l’acte total de lame même embrassant par un libre choix, non moins que par un ferme jugement, la vérité présente, lumière et loi, objet de contemplation et d’amour, de respect et d’obéissance. » (P. 79.)

Il faut, maintenant que ces questions générales sont élucidées, serrer de plus près le point particulier qui est l’objet du travail de M. Ollé-Laprune. Pour bien connaître la nature de l’adhésion que nous donnons aux vérités morales, il convient de marquer avec précision la différence qui sépare la connaissance et la croyance. Connaître, c’est d abord voir une chose en elle-même ; c’est ensuite la voir sinon en elle-même, du moins dans une autre chose qui a avec elle une naturelle relation, par exemple celle de la cause et de l’effet. Supposez maintenant que vous sachiez une chose, non pour l’avoir constatée vous-même, mais parce qu’un témoin autorisé vous l’aura garantie. En un sens, on pourrait dire encore que vous connaissez cette chose ; mais il sera bien plus juste de dire que vous y croyez ; ce nouvel état diffère du précédent en ce que « vous n’apercevez plus la chose en elle-même ; mais ce qui détermine votre assentiment, c’est quelque chose qui lui est extérieur. »

La connaissance indirecte et la croyance, semblables en ce que toutes deux supposent un intermédiaire, peuvent se trouver réunies. Soit un effet et une cause entre lesquels il y a une grande disproportion, par exemple un tableau de maître et la pensée qu’il révèle. Vous remontez de l’effet à la cause : c’est une connaissance. Mais le surplus que vous attribuez à la cause est objet de croyance : vous dépassez ce qui s’impose nécessairement et logiquement à l’esprit ; vous interprétez ; vous vous en rapportez à une sorte de témoignage : c’est un acte de croyance ou de foi. — Croyance et foi sont termes à peu près synonymes, à cela près que la foi est une croyance très vivace et sérieuse, ou « qu’elle est le ressort même et le fondement de l’acte de croire, je veux dire la confiance. »

En résumé, il y a dans la foi un mélange de lumière et d’obscurité ; l’objet, sans être connu en lui-même, n’est pourtant pas entièrement plongé dans l’ombre. Elle a son évidence, mais ce n’est pas son objet qui est clair, c’est le témoignage où elle s’appuie.

Il s’agit maintenant de savoir si les vérités morales sont objet de connaissance proprement dite ou de connaissance mêlée de foi. On pressent, la réponse de M. Ollé-Laprune : ces vérités sont objet de connaissance, mais de connaissance imparfaite, et la foi achève ce que l’intelligence a commencé. Voici comment il le démontre.

Tout d’abord, on l’a vu, le devoir, la liberté, l’existence de Dieu, la vie future sont objet d’expérience, c’est-à-dire connus directement. En outre, ils sont objet de connaissance indirecte, car la loi morale suppose la liberté ; pour expliquer le monde, il faut remonter de l’effet à la cause qui est Dieu ; les exigences de l’éternelle justice ne sont pas satisfaites dans la vie présente.