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analyses. — ollé-laprune. De la certitude morale.

ils dépassent la limite de ce qu’ils savent ; ils font un pas en avant, ils croient. Us ont raison de croire, dites-vous ; mais ce n’est pas une chose nouvelle, quoique ce soit une chose différente : c’est presque la même chose. Us sont toujours certains et peuvent s’avancer avec la même confiance. Mais quelle est cette équivoque ? Pourquoi ne pas accorder que cet état, la foi, est nouveau, puisqu’il est autre ? Vous voulez laisser la question indivise : mais tout esprit précis réclamera la division. Et quelle est cette foi qui se dissimule à l’ombre de la science, qui n’ose pas combattre sous ses propres couleurs ? Ne vaut-il pas mieux faire et dire franchement ce que l’on fait, appeler certitude ce qui est science, foi ce qui n’est pas science ? C’est le parti qu’a pris Kant, que vous malmenez, et c’est là qu’il faut en venir. Vous n’avez réussi qu’à retarder le moment décisif : un peu plus tôt ou un peu plus tard, il faut faire le saut, et vous l’avez fait.

Nous avons insisté sur une des propositions qui résument le livre de M. Ollé-Laprune ; nous passerons rapidement sur la seconde. Il semble pourtant que ce soit le nœud du problème de savoir si les vérités morales peuvent être rigoureusement démontrées. Mais ici M. Ollé-Laprune n’a fait que reproduire d’anciens arguments, bien connus et cent fois discutés. Assurément, c’est son droit de se placer à ce point de vue, s’il lui semble vrai, et de tenir pour non avenus tous les efforts de la critique, s’ils lui paraissent stériles. En agissant ainsi, il peut espérer qu’il confirmera dans leur opinion ceux qui déjà pensaient comme lui, et qu’il leur donnera le plaisir de voir exposées en beau style des croyances qui leur sont chères. Mais il doit renoncer à exercer aucune action sur ceux qui n’admettent pas, pour des raisons maintes fois indiquées, les principes fort contestés qu’il lui plaît de poser comme évidents.

Par exemple, au début de son livre, il définit la perception la connaissance d’une chose concrète, réelle ; il ajoute que « toute réalité nous est donnée telle qu’elle est en son fond le plus intime, c’est-à-dire active et agissante. » On conviendra qu’une telle définition ne peut être acceptée des sceptiques, que pourtant l’auteur prend souvent à partie. Rien de plus facile que de tirer de là une belle théorie de la certitude ; mais on suppose ce qui est en question. C’est le jeu charmant des enfants qui cachent un objet pour se donner ensuite le malin plaisir de le retrouver.

M. Ollé-Laprune passe rapidement sur cette intuition de la chose en soi, et c’est dommage. On eût aimé à savoir, fût-ce par une brève indication, comment il se tire des objections si souvent dirigées contre le perceptionnisme, tel que Reid et Hamilton l’ont entendu, et comment il fait face aux expériences modernes qui ont si nettement mis en lumière le caractère relatif de toute perception. Mais Berkeley, Hume, Kant, Stuart Mill, Helmholtz sont devant ses yeux comme s’ils n’étaient pas.

Ces prémisses posées, il les traite à l’aide du principe de causalité,