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valeur de l’interprétation que nous faisons de leurs actes ou de leurs paroles, faits d’expérience.

Il y a, dans toute cette partie de la théorie de M. Ollé-Laprune, une confusion qu’il importe de dévoiler. Que la croyance ou la foi puisse donner à l’âme une assiette morale, une force pour l’action, une décision et une énergie qui dans la pratique égalent ou surpassent celles que donne la certitude scientifique, c’est ce que nous accordons volontiers et ce que personne ne conteste. Nous savons bien que la foi soulève des montagnes ! Mais partir de là pour mettre sur le même rang la foi et la science, c’est faire violence à la logique : il reste trop de différences pour qu’on les identifie. Dans un cas, la vérité s’impose à moi sans que j’y sois pour rien ; je la reçois passivement (à ce que dit M. Ollé-Laprune). Dans l’autre cas, je vais au-devant d’elle ; ma volonté joue un rôle ; je la fais, suivant l’énergique expression de l’Évangile. — Dans un cas, je puis donner des raisons universelles, valables pour tout le monde, immédiatement acceptées dès qu’elles sont comprises. Dans l’autre cas, les discussions sont interminables, et les hommes depuis qu’ils existent n’ont pu parvenir à s’entendre. Je sais bien que, selon notre auteur, ce désaccord n’est que provisoire : il sait le moyen de faire partager ses convictions par tout esprit, pourvu qu’on y apporte certaines dispositions requises, et qu’on mette en quelque sorte son âme en état de grâce avant de recevoir la vérité. Nous y reviendrons. Pour le moment, il est certain que les divisions ont été incurables jusqu’à présent. — Comment donc pourrons-nous désigner d’un même nom deux choses si différentes ?

Est-ce à dire que nous refusions au croyant convaincu le droit de se dire certain ? Il est vrai que dans le langage ordinaire on se sert souvent de ce mot pour désigner cette assiette morale dont nous parlions, cette confiance pratique qui peut être commune à la science et à la foi. Mais il appartient à des philosophes de parler un langage précis et, quand ils distinguent deux choses, d’avoir deux noms. C’est leur rôle surtout quand une distinction nette a été faite et commence à être acceptée, de ne pas obscurcir ce qui a été éclairci, et de ne pas ramener la confusion quand elle est sur le point de disparaître.

Au surplus, M. Ollé-Laprune accorde trop ou trop peu. Ceux dont il veut faire revivre les opinions, les métaphysiciens et les théologiens d’autrefois, n’eussent jamais admis cette union suspecte de la science et de la foi ; tout était pour eux objet de science, tout se démontrait, dans les vérités morales comme ailleurs. M. Ollé-Laprune est infidèle à la tradition, il est infecté de l’esprit du siècle, il donne dans des nouveautés dangereuses, quand il consent à faire une part au sentiment et à la volonté : et, comme ces politiques maladroits qui ne savent ni céder ni résister à propos, il perd tout par cette dangereuse concession. En effet, la distinction, une fois admise, ne peut plus être oubliée. Veut-on empêcher des esprits précis et sincères de se rendre compte de ce qu’ils font ? À un moment donné, que vous marquez vous-mêmes,