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sance ni un objet de science. Il ne voit avec Kant, dans la métaphysique religieuse, qu’un tissu de purs sophismes. C’est par une action immédiate et mystérieuse, que nous sentons en nous la présence de la divinité. Scheiermacher était un mystique. Il veut que le dialecticien disparaisse là où commence le mystique. « Il n’y a pas de philosophie pour la religion ni de religion pour la philosophie. » Ce qui ne veut pas dire que l’une soit l’opposé de l’autre. Il n’y a pas d’antagonisme entre elles ; mais, au contraire, « toute philosophie conduit nécessairement au mysticisme, si l’on veut aller jusque-là. » Le mysticisme de Schleiermacher ne se perd pas dans le quiétisme stérile de la contemplation. Par ce trait comme par bien d’autres, la dialectique de Schleiermacher a d’étroites affinités avec celle de Platon ; et sa méthode est tout inspirée par le grand idéaliste.

Eug. Dreher : Théorie des perceptions sensibles (suite).

L’expérience nous apprend quelle part revient aux raisonnements, soit conscients, soit inconscients, dans la formation des perceptions sensibles. Cela est vrai également de la vue, de l’ouïe, du toucher, de tous les sens enfin. La moindre perception est donc un phénomène très complexe, d’où l’analyse la plus délicate ne réussit qu’à grand’peine à dégager tous les éléments. Qui sait si nos descendants éloignés ne réussiront pas à discerner dans les objets des qualités que nous ne saisissons pas ; à développer en eux des sens qui nous font encore défaut, par exemple à percevoir d’autres couleurs élémentaires que celles qui nous sont jusqu’à présent accessibles ? Ne se pourrait-il pas également que notre intuition de l’espace et du temps devînt plus riche par la suite, et qu’aux trois dimensions jusqu’ici connues de l’espace, par exemple, l’avenir réussît à en ajouter une quatrième ? On sait quels débats cette hypothèse a déjà soulevés. Un prochain article en montrera l’inanité.

Wilhelm Wigand : Leibniz et ses tentatives pour établir la paix religieuse.

Leibniz a été étudié sous bien des aspects, comme philosophe, comme savant, comme philologue, comme homme politique ; ses efforts pour faire régner la paix entre les diverses confessions chrétiennes n’ont pas encore été racontés et appréciés comme il convient. Lessing disait déjà : « La philosophie de Leibniz est peu connue, mais sa théologie l’est encore moins. Je ne parle pas de la doctrine théologique, qui forme une partie de sa philosophie, mais de sa théologie chrétienne. De quelle manière se conciliait-elle dans la tête de notre philosophe avec les principes de la pure raison ? Cela vaudrait la peine d’être expliqué. » Les recherches de Guhrauer, surtout sa biographie de Leibniz, permettent de satisfaire au vœu de Lessing. Sans doute il demeure toujours difficile, surtout en des matières aussi délicates, de saisir exactement la véritable pensée de Leibniz. C’est ici surtout qu’il faut se souvenir des paroles de Jacobi : « Leibniz a voulu accommoder ses idées à tant d’esprits et de systèmes différents, et si souvent tenté de