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clair, en effet, que lorsqu’un point n’est soumis à aucune condition, sa situation n’est déterminée qu’autant qu’on donne à la fois ses deux coordonnées distinctement l’une de l’autre ; tandis que, quand le point doit se trouver sur une ligne définie, une seule coordonnée suffit pour fixer entièrement sa position. La seconde coordonnée est donc alors une fonction déterminée de la première, ou, en d’autres termes, il doit exister entre elles une certaine équation, d’une nature correspondante à celle de la ligne sur laquelle le point est assujetti à rester. En un mot, chacune des coordonnées d’un point l’obligeant à être situé sur une certaine ligne, on conçoit réciproquement que la condition, de la part d’un point, de devoir appartenir à une ligne définie d’une manière quelconque, équivaut à assigner la valeur de l’une des deux coordonnées, qui se trouve dans ce cas être entièrement dépendante de l’autre. La relation analytique qui exprime cette dépendance peut être plus ou moins difficile à découvrir ; mais on doit évidemment en concevoir toujours l’existence, même dans les cas où nos moyens actuels seraient insuffisants pour la faire connaître…

« En reprenant en sens inverse les mêmes réflexions, on mettrait aussi facilement en évidence la nécessité géométrique de la représentation de toute équation à deux variables, dans un système déterminé de coordonnées, par une certaine ligne dont une telle relation serait, à défaut d’aucune autre propriété connue, une définition très caractéristique, et qui aura pour destination scientifique de fixer immédiatement l’attention sur la marche générale des solutions de l’équation, qui se trouvera ainsi notée de la manière la plus sensible et la plus simple. Cette peinture des équations est un des avantages fondamentaux les plus importants de la géométrie analytique, qui a par là réagi au plus haut degré sur le perfectionnement général de l’analyse elle-même, non seulement en assignant aux recherches purement abstraites un but nettement déterminé et une carrière inépuisable, mais, sous un rapport encore plus direct, en fournissant un nouveau moyen philosophique de méditation analytique, qui ne pourrait être remplacé par aucun autre[1]. »

Telle serait, d’après la plupart des commentateurs contemporains, la révolution opérée par Descartes en mathématiques. À cette géométrie qui considère les figures telles que les présente tout d’une pièce à l’esprit l’intuition synthétique de l’étendue, il aurait substitué une sorte de géométrie en mouvement dans laquelle l’esprit assiste à la génération des figures par le déplacement du point dans le plan

  1. A. Comte. Cours de phil. posit., 2e éd., t. I, p. 314, sqq.