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époque de la vie en définitive ne comporte d’immunité absolue contre l’aliénation mentale. Le seul privilège de certains âges, tels que l’enfance, c’est que la folie y est plus rare. L’enfant, qu’on voudrait n’avoir à étudier que dans le développement normal de son intelligence ou de sa sensibilité, qu’on aimerait à peindre seulement dans le gracieux et pur épanouissement de sa nature, l’enfant, malgré les conditions favorables qui le protègent, n’est pas exempt de la loi commune, et il a droit à un chapitre spécial dans tout traité un peu complet de pathologie mentale.

Esquirol semblait être d’un avis contraire quand il écrivait : « L’enfant est à l’abri de la folie ; » mais il ajoutait tout de suite pour corriger ce que cette règle générale a de trop absolu : « … À moins qu’en naissant l’enfant n’apporte quelque vice de conformation ou que des convulsions ne le jettent dans l’imbécillité ou l’idiotie[1]. » Ajoutons nous-même que les exceptions admises par Esquirol sont insuffisantes et incomplètes. Tous les cas de folie infantile, même ceux que cite Esquirol, ne peuvent rentrer dans les catégories trop étroites des folies que détermine un vice de conformation ou que provoque un accès convulsif. Les causes morales de l’insanité peuvent agir jusque chez l’enfant : témoin, par exemple, ce petit maniaque soigné par Esquirol, qui jusqu’à huit ans n’avait manifesté rien d’insolite dans ses facultés, mais qui, après le siège de Paris, en 1814, effrayé et troublé de tout ce qu’il voyait, tomba subitement dans le désordre intellectuel le plus prononcé.

Depuis Esquirol, un grand nombre de faits ont été recueillis, qui élargissent le sujet et rendent possibles quelques inductions générales. On trouvera, par exemple, une longue et intéressante liste d’observations dans le travail du Dr Berckam (1864)[2]. D’autres cas ont été signalés à diverses reprises dans les Annales médico-psychologiques[3]. Aussi la plupart des aliénés n’hésitent plus à reconnaître la possibilité de la folie chez les enfants. M. Maudsley, dans sa Pathology of Mind, a mis en relief cet aspect nouveau des maladies mentales, en lui consacrant un beau chapitre intitulé : The Insanity of early life[4].

Il semble cependant que quelques observateurs répugnent encore

  1. Esquirol, Des maladies mentales, t. I, p. 15.
  2. Voyez le journal allemand Correspondenz-Blatt, année 1864.
  3. Voyez surtout, dans la collection des Annales, les volumes suivants : 1849, p. 72 ; 1855, p. 60 ; ibid., p. 527 ; 1857, p. 218 ; 1861, p. 305 ; 1867, p. 326 et suiv. : 1870, p. 260 et suiv. — Voyez aussi dans le Journal de médecine psychologique 1858, le travail de M. Brierre de Boismont, Recherches sur l’aliénation mentale des enfants et particulièrement des jeunes gens.
  4. Maudsley, Pathology of Mind.